La 11e édition du Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF) s'est tenue au Max Linder Panorama du 6 au 12 décembre dernier. Une édition riche en films étranges, percutants et riches en hémoglobine.
Bizarre, terrifiant, gore. Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier les films sélectionnés cette année au Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF), dont la 11e édition s'est tenue du 6 au 12 décembre dernier, au Max Linder Panorama.
Comme à son habitude, la programmation a réservé son lot de surprises et d'audace, dans un festival mettant en avant le cinéma de genre français et international. Parmi la trentaine de films projetés entre la compétition et les séances spéciales, une poignée mérite l'attention.
«Shin Ultraman» de Shinji Higuchi (Japon)
Depuis quelques années, le cinéma japonais ressuscite certaines de ses figures dans des réinterprétations modernes, sous la houlette du duo Hideaki Anno et Shinji Higuchi, respectivement réalisateur et scénariste de «Neon Genesis Evangelion», œuvre mythique de la japanimation.
En 2016, les deux artistes ont revisité le plus célèbre des kaïjus (monstres du cinéma nippon), Godzilla, avec «Shin (nouveau en japonais, ndlr) Godzilla», une œuvre épique et sombre, présentant à nouveau le lézard géant comme une menace pour l'humanité. Face à ce succès, les relectures de deux autres personnages immensément populaires ont suivi : «Shin Kamen Rider» et «Shin Ultraman»
Présenté en soirée d'ouverture, ce dernier brille par sa mise en scène misant sur la démesure. Dans un esprit déluré et fantaisiste, Shinji Higuchi, qui officie en solo à la réalisation, accouche d'un blockbuster délirant, flirtant avec le kitsch. Difficile d'espérer une date de sortie française, tant l'aspect «japonisant» pourrait rebuter une partie du public occidental. Mais «Shin Ultraman» pourrait trouver grâce au sein des rayons DVD en 2023.
«Glorious» de Rebekah McKendry (États-Unis)
Attention, synopsis improbable. Un homme bouleversé par une rupture amoureuse se retrouve enfermé dans les toilettes au bord d'une route peu fréquentée. Alors qu'il pensait être seul, on découvre la présence d'un demi-dieu dans les toilettes du fond, seulement visible à travers un glory hole (un orifice dans un mur permettant un rapport sexuel sans voir l'autre partenaire).
Difficile de rester insensible au pitch de «Glorious», réalisé par l'Américaine Rebekah McKendry. Mais au-delà de l'amusement, ce moyen métrage (1h15 environ) regorge d'inventivité. À coup de twists bien placés et d'une direction artistique largement inspirée de l'écrivain H.P. Lovecraft, «Glorious» est une proposition intrigante de bout en bout. D'autant qu'il bénéficie du timbre guttural de J.K. Simmons, le célèbre Jameson dans la trilogie «Spider-Man» de Sam Raimi.
«Demigod : the Legend begins» de Chris Huang (Taïwan)
Il y a peu de chances que vous connaissiez le «bùdàixì». Cet art d'origine chinoise, inventé au 17e siècle, consiste en un spectacle de marionnettes déguisées, où un seul homme assure les voix de tous les personnages. Transmis de génération en génération jusqu'à la province de Taïwan, il est devenu une série télévisée ultra populaire, «Pili», remplie de personnages hauts en couleur dans un univers de fantasy.
Après quelques tentatives d'exportations ratées à l'international, le studio a réalisé «Demigod : The Legend Begins», mettant en scène le Su Huan-Jen, un médecin sabreur et aussi le personnage le plus populaire de la série télévisée.
Véritable déflagration esthétique, «Demigod» se veut la fusion parfaite entre la franchise «Puppet Master» et la trilogie «Detective Dee» du réalisateur hongkongais Tsui Hark. Un long-métrage étonnant de maîtrise et de démesure, grâce à des effets spéciaux numériques se mariant parfaitement avec des marionnettes superbement animées. Grâce aux efforts de l'éditeur Spectrum Films, cette œuvre singulière sortira en format physique, en France, courant 2023.
«Good Boy» de Viljar Boe (Norvège)
Autre film conceptuel, «Good Boy» suit la rencontre entre Sigrid, une jeune étudiante oisive, et Christian, un charmant bourgeois. Après quelques rencards, Christian présente à Sigrid son chien, Frank. Problème, celui-ci est un homme déguisé en animal.
À travers ce pitch étrange, le réalisateur norvégien Viljar Bøe signe un long-métrage qui distille brillamment son mystère. D'abord romance burlesque, puis thriller tétanisant, «Good Boy» aurait même pu être, en creusant davantage la psyché de ses personnages, un savant mélange entre le cinéma absurde de Quentin Dupieux et celui grinçant de Michael Haneke.
Avec des retours élogieux dans tous les festivals auxquels il a pris part, ce petit morceau de pellicule (1h10) pourrait bien débarquer dans nos contrées par l'intermédiaire des plates-formes spécialisées, comme Shadowz ou Mubi. Cette curieuse expérience le mériterait bien.
«La Montagne» de Thomas Salvador et «Earwig» de lucille hadzihalilovic (France)
Doublette francophone pour terminer ce récapitulatif de festival. Après le superbe «Vincent n'a pas d'écailles», une brillante relecture du film de super-héros, Thomas Salvador a présenté «La Montagne» sur un ingénieur qui abandonne ses recherches pour répondre à l'appel des sommets. Acclamé par le public du PIFFF, le long-métrage a remporté L'Œil d'or, soit le titre suprême du festival, ainsi que le prix Ciné+Frisson. Sortie en salles programmé au 1er février 2023.
De son côté, Lucille Hadzihalilovic, réalisatrice portée vers l'enfance et la transformation des corps («Innocence», en 2005, avec Marion Cotillard et «Évolution», en 2015), est repartie de la cérémonie de clôture avec le prix des lecteurs Mad Movies pour sa nouvelle œuvre, «Earwig». Dans ce film expérimental, un quadragénaire s'occupe d'une jeune fille, Mia, dont les dents sont fabriquées à partir de salive congelée, et doit préparer son départ vers une nouvelle résidence. Le distributeur New Story proposera le film au cinéma dès le 18 janvier.