Dans «Saint Omer», auréolé ce vendredi du César du meilleur premier film, la réalisatrice Alice Diop s’intéresse à l’affaire Fabienne Kabou. Une mère condamnée en appel à quinze ans de réclusion criminelle en 2017 pour infanticide.
Doublement primé à la 79e édition de la Mostra de Venise en septembre dernier, et récompensé du César du meilleur premier film ce vendredi 24 février, «Saint Omer» suit le procès de Laurence Coly (Guslagie Malanda), une mère d’origine sénégalaise accusée d’avoir tué sa fille en l’abandonnant sur une plage du Nord de la France.
Derrière ce drame, sorti en salles le 23 novembre dernier, se cache l’histoire vraie de Fabienne Kabou. Le 19 novembre 2013, cette femme a en effet quitté son domicile situé à Saint-Mandé, en banlieue parisienne, pour rejoindre en train, puis en bus, la ville de Berck-sur-Mer dans le Pas-de-Calais. C’est là, sur une plage à marée montante, que cette mère abandonna Adélaïde, sa fille âgée de 15 mois qui n’avait jamais été déclarée à l’état civil.
Le lendemain, un pêcheur retrouvait le corps sans vie de la fillette. Les enquêteurs imaginèrent dans un premier temps qu’il s’agissait d’une migrante dont l’embarcation avait chaviré. Mais très vite, les soupçons se tournèrent vers Fabienne Kabou qui, après avoir déclaré qu’elle avait envoyé sa fille chez sa mère au Sénégal, avoua le crime. «J'ai mis fin à ses jours car c'était plus simple comme ça», reconnaîtra-t-elle en garde à vue.
Vingt ans de réclusion criminelle en première instance
Son procès s’est ouvert en 2016 devant la cour d’assises de Saint-Omer. «Kabou a déposé sa fille âgée de 15 mois sur une plage de Berck à marée montante, nous sommes le 19 novembre 2013, il est 21h passé, les températures sont assez proches de 0, cette petite fille est vouée à une mort certaine, rappela l’avocate générale, Pascale Girardon, dans son réquisitoire. Ce qui est reproché à Fabienne Kabou, c'est d'avoir donné la mort à «Ada», mais aussi d'avoir prémédité son geste depuis longtemps (...). Est-ce que le simple fait d'avoir caché sa grossesse, d'avoir privé sa fille d'une existence légale, est-ce que déjà, il n'y avait pas cette idée d'une fin rapide, macabre ?»
Cette mère qui encourait la réclusion criminelle à perpétuité, est condamnée en première instance à vingt ans de réclusion criminelle, la justice ayant retenu l’altération du discernement.
La sorcellerie pour justifier son acte
Jugée en appel à Douai en 2017, devant la cour du Nord, Fabienne Kabou plaida «non coupable». «J'estime que quelque chose ou quelqu'un a agi en moi pour assassiner ma fille. Un peu comme si quelqu'un avait commandité sa mort, par mes mains, et en faisant d'une pierre deux coups, puisqu'il a aussi ruiné ma vie», expliquait à l'époque cette quadragénaire, née à Dakar dans une famille aisée, qui avait emménagé à Paris après son baccalauréat.
Si Fabienne Kabou, intellectuelle au QI supérieur à la moyenne, évoquait la sorcellerie pour justifier son geste, qu’en est-il de son compagnon Michel Lafon, peintre-sculpteur et géniteur d’Adélaïde ? Quand la petite fille est née en 2012, l’accusée qui avait déjà avorté à deux reprises, et son partenaire, de trente ans son aîné, vivaient une relation en vase clos. Et Fabienne Kabou accoucha seule dans l’atelier de son conjoint, ce dernier étant parti rejoindre son frère.
A son retour, la jeune femme lui expliqua qu’elle avait accouché à la maternité des Bluets et avait déclaré l’enfant à la mairie. Elle n'était plus à un mensonge près. Elle dissimula ensuite son nouveau-né à ses proches, avant de commettre l’irréparable.
Reconnue «malade», Fabienne Kabou a été condamnée en appel à quinze ans de réclusion criminelle. Une peine assortie d'un suivi socio-judiciaire de huit ans avec injonction de soins.