«Revoir Paris» d'Alice Winocour, inspiré des attentats du 13-Novembre 2015, «Rodeo», de Lola Quivoron, coup de coeur d'«Un Certain Regard» à Cannes, «Citoyen d’honneur», comédie de Mohamed Hamidi, «Une belle course», servi par un duo attachant, et «Le sixième enfant», sacré au Festival du film francophone d'Angoulême... Voici 5 films français à ne pas manquer en septembre.
«Revoir Paris», d'Alice Winocour
Quatrième long-métrage d’Alice Winocour, «Revoir Paris» réunit pour la première fois à l’écran le magnétique Benoît Magimel et l’impressionnante Virginie Efira, qui incarnent respectivement Thomas et Mia, deux rescapés d’un attentat survenu dans une brasserie parisienne. Le soir de l’attaque, Thomas fêtait son anniversaire avec des collègues, tandis que Mia, motarde, s’y était réfugiée en attendant que l’orage passe. Quelques minutes plus tard, cette dernière se retrouve à plat ventre au milieu des corps, alors que les assaillants, dont on ne voit que les pieds, sont à l’affût du moindre geste, le doigt sur leur mitraillette. Trois mois après le drame, elle ne se souvient plus de rien. La protagoniste va alors tenter de reconstituer le puzzle de cette soirée tragique en revenant sur les lieux avec un groupe de parole.
Sur place, elle rencontre les proches des victimes et les survivants, dont une jeune fille qui a perdu ses parents pendant la fusillade, et cette femme qui l’accuse de s’être égoïstement enfermée dans les toilettes. Puis à travers la vitre du café, elle croise le regard de Thomas, blessé à la jambe, qui, lui, se souvient de tout, et va l’aider à (re)vivre. Un personnage aussi viril que fragile qui apporte une petite touche de légèreté très appréciable. Alice Winocour signe un film sur la mémoire traumatique d'une forte intensité émotionnelle, et devant lequel il est bien difficile de retenir ses larmes. La réalisatrice met en scène avec justesse et pudeur les séquelles psychologiques et physiques des rescapés, qui culpabilisent d’être encore vivants, mais aussi la souffrance des proches.
«Revoir Paris», d'Alice Winocour (1h45).
«Rodeo», de Lola Quivoron
Une ode sauvage à la liberté. Lola Quivoron fait chauffer le bitume dans son premier long-métrage «Rodeo». Dès les premières minutes, le spectateur est plongé dans cet univers où les moteurs grondent et les wheeling (roue arrière) s’enchaînent sur une route désaffectée. Ce film nerveux et poignant s'attache alors à dresser le portrait de Julia, magnifiquement campée par Julie Ledru, une jeune banlieusarde rejetée par ses proches et passionnée de deux-roues motorisées. Elle va tenter de se frayer un chemin dans l’univers masculin du cross-bitume, pratique consistant à réaliser des figures acrobatiques à moto. Dans ce milieu où la vitesse rime avec liberté, les femmes sont traitées de «bouffones», restent sur le bord de la route, ou à la maison pour s’occuper des enfants, privées de sorties par un leader incarcéré. Mais Julia, aka «l’inconnue», rend tous les coups et n’a peur de rien.
Grâce à son audace et sa rage, l’héroïne, qui a grandi avec «une bécane entre les jambes», va parvenir à intégrer une bande de motards, en deuil après la mort d’un jeune rider. Très vite, elle devient indispensable et accomplie avec brio des missions clandestines. Toutefois, l’argent, cette amazone au franc-parler n’en a que faire. Sa raison de (sur)vivre, c’est d’écouter le bruit assourdissant du moteur et de sentir le vent sur son visage, s’engouffrer dans son large tee-shirt, la main sur la poignée d'accélérateur. Puis vient l’heure de cet ultime braquage, celui d’un camion rempli de grosses cylindrées, qui signera sa chute. Si on s’attendait à un final plus sensationnel, et que celui-ci a mis un peu de temps à arriver, ce film entre chronique sociale et polar, qui prend parfois des allures de western, n’en demeure pas moins une réussite. La caméra braquée sur les visages, les blessures, et les frissons que procure ce sport extrême, Lola Quivoron signe un drame qui tient en apnée du début à la fin. Un drame qui s’attache aussi à déconstruire les injonctions et les stéréotypes de genre.
«Rodeo», de Lola Quivoron (1h50).
«Citoyen d’honneur», de Mohamed Hamidi
Retour aux sources. Un an après «Une belle équipe», le réalisateur franco-algérien Mohamed Hamidi fait de nouveau appel à Kad Merad dans «Citoyen d’honneur», une comédie sociale et engagée. L’acteur incarne Samir, un écrivain à succès déprimé et en mal d’inspiration qui décide de retourner dans son village natal, Sidi Mimoun, en Algérie, après avoir reçu le prix nobel de littérature. Là-bas, il sera proclamé Citoyen d’Honneur mais surtout, il vivra de multiples mésaventures tour-à-tour drôles et émouvantes, au plus près des habitants et des étudiants, qui revendiquent leur liberté d’expression et se demandent si on peut raconter l’Algérie sans y vivre. A leur côté, Samir reprendra goût à la révolte et au bonheur.
Car si ce film met en lumière les richesses de ce pays, il montre aussi une jeunesse qui vit sous un régime autoritaire et ne parvient pas à se faire entendre. Pour mener à bien son programme bien chargé, le romancier quinquagénaire pourra notamment compter sur l’aide de Miloud (Fatsah Bouyahmed), son ami d’enfance devenu fonctionnaire qui à une peur bleu des moutons et roule sans permis. Un personnage attachant et solaire qui participe grandement à la qualité de ce film désopilant, dépaysant, et plein d’espoir. Dans ce remake du film argentin El ciudadano ilustre de Gastón Duprat et Mariano Cohn, les spectateurs croiseront également Jamel Debbouze dans le rôle du gardien du cimetière ainsi que Oulaya Amamra, dans celui de Selma, une jeune rappeuse militante.
«Citoyen d’honneur», de Mohamed Hamidi (1h36).
«Une belle course», de Christian Carion
Un face-à-face émouvant entre deux générations. Pour sa comédie dramatique «Une belle course», le réalisateur Christian Carion, à qui l’on doit notamment «Une hirondelle a fait le printemps», réunit à l’écran Line Renaud et Dany Boon, deux acteurs attachants et complices avec qui le spectateur a immédiatement envie de prendre la route. Line Renaud incarne Madeleine, une vieille dame de 92 ans qui, malgré une mémoire indéfectible, doit vivre dans une maison de retraite. Avant de rejoindre sa «nouvelle maison», elle demande à Charles, un chauffeur de taxi d’une quarantaine d’années, quelque peu irritable et n’ayant plus que deux points avant de perdre son permis de conduire, de l’emmener là où elle a vécu et où les souvenirs sont nombreux. Commence alors une promenade dans Paris au cours de laquelle Madeleine va se laisser aller aux confidences, ce qui ne laissera pas Charles indifférent. Le temps semble comme suspendu pour ces deux nouveaux compagnons de route. Un feel good-movie qui évoque avec pudeur la vieillesse et la fin de vie, mais aussi les violences conjugales.
«Une belle course», de Christian Carion (1h41).
«Le sixième enfant», de Léopold Legrand
Pour un premier film, c’est un coup de maître. Présenté au festival du film francophone d’Angoulême en août dernier, «Le sixième enfant» de Léopold Legrand, adapté du roman «Pleurer des rivières» d'Alain Jaspard, est reparti avec pas moins de quatre prix, dont celui du meilleur scénario et celui de la meilleure actrice, décerné ex-aequo à Judith Chemla et Sara Girardeau.
«Le sixième enfant», c’est «l’histoire de deux femmes réunies autour d’un même enfant», comme l’indique le cinéaste. D’un côté, Meriem, enceinte de Franck (Damien Bonnard) et déjà mère de cinq enfants, qui n’envisage pas de garder ce nouveau bébé en route ayant d’importants problèmes financiers. De l’autre, Anna, avocate qui rêve d’une vie de famille mais ne parvient pas à avoir un enfant avec son compagnon Julien (Benjamin Lavernhe). Ces deux couples en détresse – chacun à sa manière - vont imaginer un arrangement impensable que la loi qualifie de trafic d’êtres humains. Un drame poignant autour de la maternité, de la filiation et de l’abandon.
«Le sixième enfant», de Leopold Legrand (1h32), en salles le 28 septembre.