Une course contre le temps. Jacques Gamblin tente de raviver la flamme de son couple dans «On sourit pour la photo», premier film de François Uzan, qui est reparti avec le prix spécial du jury au Festival de l’Alpe d’Huez 2022.
Cette comédie solaire, drôle et tendre, qui parle des rapports parents/enfants et du lien conjugal, face à l’épreuve du temps, est à découvrir dans les salles obscures ce mercredi 11 mai.
L’acteur se glisse dans la peau de Thierry, père de deux enfants, qui passe ses journées le nez dans le passé, à classer ses photos de famille. Mais quand sa femme (Pascale Arbillot), lui annonce qu’elle le quitte, Thierry, désespéré, lui propose de refaire «Grèce 98», leurs meilleures vacances, pour passer une dernière semaine tous les quatre, mais surtout pour reconquérir le cœur de son épouse.
Votre personnage veut revivre à l’identique le temps passé, figé sur des photos datant de 20 ans, persuadé que le meilleur est derrière lui. Êtes-vous sensible à la nostalgie ?
Je ne suis pas sensible à la nostalgie. Mais parfois elle vous rattrape, et on n’est pas au courant. Dans la nostalgie, il y a une forme de regret, et le regret n’est pas mon ami. Il m’empêche d’avancer et ne sert à rien. Je ne suis pas du genre à me retourner.
«On sourit pour la photo» évoque la difficulté de retrouver la complicité des débuts et de mettre un terme à des années de vie commune. Qu’est-ce qu’un couple, selon vous ?
Définir le couple c’est comme définir l’amour, impossible. Il y a autant de définitions que de couples. Mais selon moi, c’est d’abord deux autonomies qui se rencontrent pour additionner les joies, de façon idéale.
Dans un couple, l’humour est un piédestal, un tremplin à la longévité.
Si on parle d’un couple qui a déjà une certaine durée de vie, cela signifie être courageaux, capable de se parler, de mettre sur la table les choses quand elles sont difficiles, et avoir un humour en commun, l’humour étant un piédestal, un tremplin à la longévité.
Être en couple c'est ne pas avoir peur l’un de l’autre et ne pas demander l’impossible à son partenaire, car c’est suspect. C’est une connivence, une complicité. C’est quand deux êtres qui ne se ressemblent pas forcément s’enrichissent, et s’augmentent mutuellement.
Pourquoi ce long-métrage parle-t-il à tout le monde selon vous ?
Car on est tous l’enfant de parents et qu'on le sera toute la vie. Même quand ils ne sont plus là, on est encore l’enfant de l’imaginaire que l’on a de nos parents. Ce film parle des générations, et du fait d’être à nouveau ensemble. C’est un premier long-métrage étonnant, je suis admiratif du travail de François Uzan.
Ne pas prendre de photos c’est une manière de faire travailler sa mémoire.
Il nous fait rire aussi. Et cela fait du bien d'aérer son cerveau. L’humour est une forme de tremplin à l’émotion, c’est un point de départ en tout cas. Patrick devient attachant car il nous fait rire par ses obsessions et ses principes.
On est dans une époque où la photo est omniprésente. On cherche à immortaliser chaque instant avec son téléphone. Mais le piège c’est de ne plus être dans l’instant, mais dans la communication de cet instant, et de tout voir à travers un écran, et non avec ses yeux.
Quand je suis seul, je suis parfois tenté de partager ce moment avec autrui, mais non, il est à moi ce moment, je dois en profiter seul. Je fais un travail mental pour ne pas regretter ni être frustré d’être seul. Et alors j’accoste une forme de bonheur.
Ne pas prendre de photos c’est aussi une manière de faire travailler sa mémoire, sensorielle, de l’image, et de l’imaginaire. Ce sont des moments volés.
Je suis parti seulement trois fois en vacances avec mes parents.
Est-ce que vous êtes, comme votre personnage, un papa toujours derrière l’appareil photo, pour constituer des souvenirs ?
Ma mère a fait beaucoup d’albums, et c’est formidable, même si on en avait marre de prendre la pose. Et avec le temps on se rend compte qu’elle possède toute la mémoire de la famille, et que l’on peut le transmettre à notre tour.
Mais personnellement, je ne suis pas un papa toujours derrière l’appareil. Les photos numériques sont pratiques, mais finalement on ne les regarde pas tant que cela et on ne prend plus vraiment le temps de les imprimer pour les classer.
D’ailleurs, quel est votre meilleur souvenir de vacances en famille ?
Je n’ai pas eu l’occasion de partir souvent avec mes parents car ils étaient commerçants dans une ville balnéaire. Je suis parti seulement trois fois en vacances avec ma famille. Mais je me souviens notamment d’une promenade en pleine forêt, dans la neige.
C’était un moment à nous, et il est inoubliable car on était dans cette difficulté de retrouver notre chemin, mais je me sentais protégé par mon père, qui était d’ailleurs très différent quand on partait. Mais je n'ai pu le constater que trois petites fois.
Les dizaines peuvent peser, mais elles ont aussi du bon, car on ne peut plus tricher.
Regardez une photo dans un album c’est aussi prendre conscience que le temps passe. Vous avez 64 ans. Le dites-vous facilement ? Avez-vous conscience de vieillir ?
Quand on est comédien, on n’a pas envie que les gens connaissent notre âge car on veut être disponible pour plusieurs rôles, en sachant que dans ce métier, c’est surtout l’âge que l’on fait qui compte.
Mais je ne peux plus cacher les années qui passent, et j’ai arrêté ce combat de coquetterie. Les dizaines peuvent peser, mais elles ont aussi du bon, car on ne peut plus tricher. Finalement ces chiffres m’ont apaisé. Je me dis, ils sont là, donc tu fais avec. Il ne faut pas être triste, mais fier.