En soixante ans de carrière, l'acteur Michael Lonsdale, mort lundi 21 septembre 2020 à l'âge de 89 ans, a tourné dans quelque 200 films. Retour sur cinq de ses longs-métrages les plus marquants, dans lesquels le comédien a démontré toute l'ampleur de son talent.
«Baisers volés», de François Truffaut (1968)
C'est avec le réalisateur et ce film en forme de roman d'apprentissage, que le timide comédien sort de sa chrysalide. La veille du tournage, François Truffaut lui donne deux pages du scénario. L'acteur qui se définit comme un «instinctif» vit cela comme une «délivrance». Sa règle est de ne «jamais jouer les mots» mais de «jouer la situation». Il incarne un marchand de chaussures prospère qui engage un détective privé pour savoir pourquoi personne ne l'aime. Improvisées à la veille de Mai-68, les séquences sont tournées comme des sketchs. Tout en retenue, il est odieux en mari que sa femme, Delphine Seyrig, trompe avec le jeune détective, Jean-Pierre Léaud.
«Une sale histoire», de Jean Eustache (1977)
Dans ce dyptique, véritable ovni cinématographique, Michael Lonsdale raconte face caméra, lors d'un monologue de vingt minutes, une histoire de toilettes publiques et de voyeurisme. Son personnage, plus vrai que nature, détaille avec un faux détachement, son basculement dans la perversité. Drôle et sulfureux, le comédien aborde l'air de rien une kyrielle de sujets tabous.
«Moonraker», de Lewis Gilbert (1979)
En parallèle de ses expériences cinématographiques, l'acteur qui aime les grands écarts, s'inscrit au générique de ce onzième volet de la série James Bond. «J'aime bien être là où on ne m'attend pas, lance-t-il alors. Cinq cents millions de spectateurs, c'est pas mal !». Il y incarne le très cruel et très riche Hugo Drax, génial inventeur de la navette spatiale Moonraker. Cultivé, raffiné tout autant que brutal et intransigeant, Michael Lonsdale y déploie sa palette d'interprétation, la douceur de sa voix ne rendant que plus inquiétante la mégalomanie de son personnage.
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«India Song», de Marguerite Duras (1975)
Son cri, celui d'un homme dont on refuse l'amour, a rendu célèbre Michael Lonsdale dans ce texte de théâtre transformé par Marguerite Duras en création radiophonique puis en long-métrage. Lui en ancien vice-consul de France à Lahore et amoureux fou, elle (Delphine Seyrig) en Anne-Marie Stretter, femme de l'ambassadeur, attirant tous les désirs masculins. Nous sommes dans les années 1930, pendant la mousson d'été, la nuit est étouffante, la bande-son de Carlos d'Alessio lancinante. «Ce qu'on faisait avec Marguerite (Duras) ce n'était plus vraiment du cinéma, c'était une telle ambiance d'amitié, une confiance totale», expliquait l'acteur qui avait rencontré l'écrivaine en 1968 en montant «L'Amante anglaise» au théâtre.
«Des hommes et des dieux», de Xavier Beauvois (2010)
Après deux nominations (en 1996 pour «Nelly et Monsieur Arnaud» et en 2008 pour «La question humaine»), Michael Lonsdale reçoit, à 79 ans, le premier César de sa carrière (du meilleur second rôle) pour son interprétation de Frère Luc, l'un des huit moines français du monastère de Tibéhirine en Algérie, assassinés en 1996. Devant la caméra de Xavier Beauvois, il parvient à incarner la profonde humanité de ce cistercien, médecin respectueux de l'islam.