Trente-cinq musiciens sur scène au lieu de cent dix habituellement, 300 spectateurs attendus... L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg donnera le 30 juin prochain son premier concert en public, au Palais de la musique et des Congrès de la capitale alsacienne. Un rendez-vous symbolique, figurant parmi l'un des premiers concerts live de l'Hexagone, décidé dès le 28 mai, pour célébrer l'art vivant, le contact avec le public et le rassurer.
Adapté aux contraintes sanitaires, ce concert, évidemment attendu avec enthousiasme par les musiciens, est aussi un signal fort pour dire au public qu’il peut revenir en toute sécurité, note Marie Linden. Alors que la billetterie ouvrira en ligne dès le 15 juin pour ce concert inaugural de l'après confinement, la directrice générale de l'Orchestre se réjouit du signal optimiste envoyé au public et aux musiciens.
L’Orchestre philharmonique de Strasbourg donnera son premier concert en public le 30 juin prochain, au Palais de la musique et des Congrès. Quand avez-vous pris la décision d’organiser cet évènement ?
La décision a été prise le 28 mai, dès qu’Edouard Philippe a annoncé que la réouverture des salles de spectacle. Nous avons saisi la balle au bond avec une date de concert et un programme adapté aux conditions sanitaires. C’est un très bon signe, il fallait y répondre.
Il y avait aussi un signal fort à envoyer aux musiciens, qui étaient imaptients de retrouver collectivement et reprendre le chemin de la scène, mais aussi au public pour lui dire qu’il peut revenir en toute confiance, en toute sécurité. L’enjeu, c’est aussi de rassurer le public.
Dans quelles conditions le concert va-t-il se dérouler ?
Ce sera un concert en public, mais avec une jauge limitée pour assurer la sécurité sanitaire.
L’effectif permanent de l’orchestre est de 110 musiciens, pour ce concert ils seront 35. Nous avons choisi un programme qui ne fait pas appel à un orchestre symphonique au complet. Techniquement, nous avons opéré un marquage au sol aussi bien dans la salle de répétition que sur scène, avec 1 mètre 50 de distance entre les musiciens. Pour le public, la jauge sera limitée à 300 - 350 spectateurs, dans une salle qui peut en compter 1850. Le port du masque sera obligatoire et les portes resteront ouvertes pour éviter les manipulations de poignées.
Il ne faudrait pas laisser penser que le numérique peut se substituer à l'art vivant.
En quoi ce concert est-il un symbole fort pour l’Orchestre symphonique de Strasbourg ?
Durant le confinement, il y a eu une offre musicale incroyable sur la toile, très inventive et de grande qualité, mais il y a aussi eu de moins bonnes choses. La musique, c’est du spectacle vivant, c’est l’expérience du concert avec un rapport intense entre les spectateurs et les musiciens. Même si nous ne sommes que 300 dans la salle, ce sera un moment de communion particulier. Il ne faudrait pas laisser penser que le numérique peut se substituer au spectacle vivant. Il n’est évidemment pas idéal pour les musiciens de jouer avec 1 mètre 50 entre eux, certes la distance va contre la nature d’un groupe qui joue ensemble, mais il faut tenter. Ce sera une expérience acoustique nouvelle. Il vaut mieux jouer dans ces conditions que ne pas jouer du tout, et réaffirmer haut et fort que les artistes ont besoin d'un public. Sans la scène, l’orchestre c’est un peu comme une nature qui ne peut s'épanouir pleinement sans pluie. Pour les musiciens, c’est inné et vital de jouer ensemble et créer un rapport avec le public.
Est-il plus facile de faire jouer un orchestre symphonique qu’une pièce de théâtre ou un ballet ?
Je ne veux pas me substituer aux directeurs de théâtre ou de compagnie de danse. Ce que je sais, c’est qu’une fois que les musiciens de l’orchestre sont installés, ils ne bougent plus. C’est toute la différence avec le théâtre et la danse. Les danseurs sont forcément dans le mouvement, les comédiens dans l’interaction physique, et ils sont confrontés à d’autres problématiques.
L'enjeu, c'est aussi de rassurer le public.
Tous les instruments seront-ils représentés, même les instruments à vent ?
Il y a eu une grande littérature scientifique ces derniers mois. En France, il y a eu de grandes discussions entre les orchestres, la médecine du travail, les épidémiologistes. Il semblerait qu’il ne soit pas nécessaire d’évincer certains instruments. Tous les pupitres seront présents. Il est dangereux de stigmatiser un art ou un instrument.
D'autres concerts sont-ils déjà prévus ?
Pour l’instant, il n’y a pas encore de deuxième date de prévue. Il faut se donner le temps de voir comment cela se passe pour être prêt en septembre à lancer pleinement notre nouvelle saison.
L'un des tout premier concert en public a lui aussi été donné à Strasbourg le 5 juin à la Laiterie avec le groupe Lyre le temps. Vous prenez le relais. Est-ce une coïncidence ?
Le fait est qu’à Strasbourg, la place de la culture est extrêmement forte. C’est une grande marque du territoire. Ce n’est peut-être pas une coïncidence qu’il y ait une volonté de faire redémarrer la vie musicale rapidement. Entre une scène de musique actuelle et la musique classique, nous sommes dans des domaines qui sembleraient éloignés. Et pourtant l'orchestre symphonique de Strasbourg s'est déjà produit à la Laiterie pour accompagner un groupe de rock. Et nous avons d'autres projets communs en cours. Entre acteurs locaux, nous sommes extrêmement liés et soudés et nous multiplions les occasions de construire ensemble.