Touché lui aussi par le confinement, le secteur de l'édition manga a repoussé à mai la parution de nombreux titres. C'est donc une belle sélection qui arrive pour remercier de leur patience les amateurs confinés.
Running Girl : Ma course vers les paralympiques !
© Narumi Shigematsu / Kodansha Ltd.
C'est sans doute dans l'espoir que l'on puise ce qu'il y a de plus beau en nous. Un adage dont «Running Girl : Ma course vers les paralympiques !» se fait fort de témoigner dans chacune de ses planches. Tel le phénix qui renaît de ses cendres, on y suit la chute puis la folle course vers la vie de Rin, une lycéenne qui s'est vue amputée de la jambe droite après avoir souffert d'un sarcome osseux, une forme de tumeur maligne. Alors qu'elle pourrait se lamenter sur son sort, cette battante va découvrir l'univers du sport paralympique et plus particulièrement de l'athlétisme et ses fameuses lames pour courir. Dès lors, la jeune coureuse va se mettre en tête un objectif : participer aux jeux paralympiques.
Publié en vue des jeux de Tokyo initialement prévus cet été avant d'être repoussés à 2021, Running Girl s'affiche comme un manga porteur d'espoir pour les personnes handicapés, mais aussi pour sensibiliser et éduquer les «valides» qui ignorent tout des compétitions handisports. Afin de dépeindre au mieux ce milieu, l'autrice, Narumi Shigematsu, a d'ailleurs accompagné divers athlètes afin de tout savoir sur ce domaine. Au-delà de son aspect pédagogique, Running Girl touche également la corde sensible du lecteur, mais sans jamais tomber dans le pathos. L'histoire touchante de Rin trouve son inventivité dans l'effort et l'ambition de cette jeune fille toujours accro à la vie.
Running Girl : ma course vers les paralympiques !, de Narumi Shigematsu, éd. Akata, tome 1 disponible.
Demon Tune
© 2018 by Yûki Kodama / SHUEISHA Inc
Des fées dans une ville peuplée de ninjas, de gangsters et de monstres ou autrement dit une touche de magie dans un monde de brutes, voici le cocktail à la fois sucré et alcoolisé que propose Demon Tune. Le nouveau manga de Yûki Kodama, auteur de l'excellent Blood Lad, est la nouvelle bonne pioche à saisir d'urgence aux éditions Kurokawa. Ce shônen nous entraîne dans les mauvais quartiers de la ville fictive de Wizard City, là où les criminels trinquent ensemble -avant de casser les bouteilles pour se battre entre eux- que l'on fait la connaissance de Fran. Une petite fée qui ferait passer la célèbre Clochette de Peter Pan pour une enfant de chœur. Capturée par une bande de malfrats qui souhaitent abuser de ses pouvoirs de guérison, elle va faire la connaissance de Koyukimaru, un ninja hors du commun, lui aussi fait prisonnier et torturé.
Particulièrement sombre de prime abord, le scénario de Demon Tune reste contrebalancé par l'humour et les scènes cocasses que Yûki Kodama se plaît à dépeindre avec une certaine dérision. Surtout, ce shônen profite d'un découpage particulièrement soigné par son auteur. Ce dernier franchi ici un nouveau pas dans les scènes d'action qui devraient séduire les lecteurs de Blood Lad, mais aussi les amateurs de Dragon Ball (époque Son Goku jeune). Le trait rond de Yûki Kodama capte l'empathie du lecteur à merveille et sert un récit prometteur.
Demon Tune, de Yûki Kodama, éd. Kurokawa, tome 1 disponible.
Sans aller à l'école, je me suis fais des amis
GAKKOU E IKENAI BOKU TO 9NIN NO TOMODACHI © Syoichi Tanazono 2020 / FUTABASHA PUBLISHERS LTD., Tokyo
«Sans aller à l'école, je me suis fais des amis». Voilà un curieux titre qui fait écho à l'actualité où de nombreux enfants restent encore confinés à la maison. Il s'agit pourtant de celui donné à un manga autobiographique dont les éditions Akata proposent actuellement de suivre la prépublication au format numérique en direct du Japon. Le premier chapitre, disponible dès ce jeudi 28 mai, nous plonge dans la vie surprenante de Syoichi Tanazano. Devenu mangaka, l'homme y dépeint une enfance qui ne partait pourtant pas sur des bases saines pour son épanouissement personnel. Frappé par sa professeure de CP, le petit garçon est traumatisé et développe une phobie de l'école qui le contraint au décrochage scolaire durant neuf années... qui ne l'empêcheront de se faire des amis et de reprendre goût à la vie.
Révélé par son premier manga «Sans aller à l'école, je suis devenu mangaka» (éd. Akata), Syoichi Tanazano a connu un vrai succès au Japon où son histoire est devenue un exemple pour les parents et les enfants se trouvant face au même type de problème. L'homme y livre des conférences et a aujourd'hui un vrai rôle social. Une mission qui l'a poussé à poursuivre ses confidences et à partager une autre facette de son enfance si particulière. Cette suite s'inscrit donc dans la droite ligne de son précédent succès, tout en faisant aussi son autocritique. Un autre bel exemple de combat personnel.
Sans Aller à l'Ecole, je me suis fais des amis, de Syoichi Tanazono, éd. Akata, prébublication en lecture numérique.
Plongée dans la nuit
© GOUMOTO 2018 Originally published in Japan in 2018 by HOUBUNSHA, Tokyo.
Tsutkiko et Aya sont attirées l'une par l'autre, mais à l'approche de l'âge adulte vivre son homosexualité reste encore un sujet délicat, d'autant que la quête d'identité liée à l'adolescence apporte ses tourments. Sur un sujet souvent traité, Plongée dans la Nuit est un nouveau manga particulièrement intéressant à suivre à chez Taifu Comics. Ne serait-ce que pour ses superbes planches proposées par la mangaka Goutomo, dont le trait délicat porte chaque planche et contribue à faire de cette relation une véritable poésie moderne.
La taciturne Tsukiko et l'éternelle optimiste Aya forment un couple étrange, mais l'amour à ses propres raisons que ce yuri (manga porté autour des sentiments intimes entre femmes) dépeint avec brio et délicatesse. Ce premier tome donne à voir une rencontre qui dépasse les clichés autour des relations homosexuelles, même si le poids de la société sur leur relation aura sans doute une incidence.
Plongée dans la nuit, de Goumoto, éd. Taifu Comics, tome 1 disponible.