L'acteur Guillaume de Tonquédec sera à l'affiche du nouveau film d'Eric Besnard, «L'esprit de famille», au cinéma le 29 janvier. Un long-métrage auquel il aurait pu ne jamais participer.
Après «Ca$h», «Mes héros» et «Le goût des merveilles», le réalisateur Eric Besnard signe une comédie douce-amère sur le dysfonctionnement d'une famille en deuil. Alors que son père Jacques (François Berléand) vient de mourir, Alexandre (Guillaume de Tonquédec) réussit pourtant à discuter avec lui. Mais il est le seul capable de le voir.
Pour sa mère (Josiane Balasko) ou sa femme (Isabelle Carré), ses agissements sont de plus en plus bizarres et incompréhensibles. Tous prennent cet écrivain pour un fou.
A l’origine, vous aviez décliné ce rôle. Pour quelles raisons ?
Eric Besnard est venu me voir au théâtre quand je jouais «La garçonnière». A l’issue de la représentation, il m’a confié son scénario en main propre, ce qui est assez agréable. Il m’a expliqué avoir perdu son père, et il souhaitait lui rendre hommage à travers un film qui mélangerait comédie et émotion.
En découvrant le texte, j’ai très vite compris que je représenterais Eric à l’écran. J’avais une double responsabilité : lire la proposition d’un metteur en scène à un comédien, et celle d’un être humain à un autre être humain. Je fus bouleversé, mais je n’ai pas trouvé le pendant de la comédie. J’ai donc repris rendez-vous avec Eric pour lui expliquer pourquoi je n’acceptais pas le rôle d’Alexandre. Je ne souhaitais pas le trahir.
Comment a-t-il réagi ?
En refusant, j’avais peur qu’il me mette son poing dans la figure, et me fasse «manger» le scénario. J'avais dit «non» à un auteur et un être humain. Il aurait pu se dire que j’étais un petit con prétentieux. Mais il était impensable que j’accepte juste pour tourner un film de plus. Quelques mois après cet épisode, son producteur m’a rappelé en m’expliquant qu’Eric avait réécrit le script. Cette fois-ci, il y avait tout. Et je voyais comment je pouvais servir l’auteur et me mettre à sa disposition. Il avait trouvé la bonne distance avec son sujet. Ce fut un échange professionnel et humain très fort. Ce n’est vraiment pas un film comme les autres.
Qui est Alexandre, votre personnage ?
Au début du film, il est en train de se séparer de sa femme qui ne le supporte plus. Auteur, Alexandre ne vit qu’avec ses personnages, et oublie les êtres qui l’entourent. Cela peut aussi m’arriver dans la vie tellement je suis parfois pris par mon métier. C’est une allégorie aussi des réseaux sociaux. On est tous ailleurs que là où l'on devrait être. A table, on parle avec une troisième personne qui n’est pas présente en ne s’adressant pas à l’individu qui est en face de nous. Mon personnage est donc égoïste. Sa famille ne peut pas compter sur lui, et il va tout découvrir au moment de la mort de son père. Quand il le recroise en tant que fantôme, il va régler ses comptes avec lui, et pourra enfin dire à ses proches qu’il les aime. Chacun va trouver une nouvelle place. Ce long-métrage parle du deuil, mais également d’héritage et de transmission. Comme le souligne le personnage du père, il faut profiter de la vie, manger, boire, voyager, baiser et surtout surprendre. On devrait noter cette phrase dans le livret de naissance de tous les enfants quand ils arrivent au monde.
Je crois aux signes de la vie et à ma bonne étoile.
Justement, arrivez-vous facilement à dire à vos proches que vous les aimez ?
Je suis quelqu’un de pudique. Mais il est important d’avouer ses sentiments pour ne pas avoir de regrets. A la fin du tournage, j’ai appelé mes parents pour leur dire combien je les aimais.
La mort vous angoisse-t-elle ?
C’est un moment comme un autre. Si on était éternels, on s’emmerderait beaucoup ! La mort me fait peur, mais c’est en même temps une aiguillon formidable. Dans les relations humaines, il vaut mieux aller vers le bien. Quand on interrogeait Jean Marais sur la mort à la fin de sa vie, il répondait : «Je suis extraordinairement curieux». Il voulait vivre cette expérience sans doute avec un espoir de résurrection. Moi, je crois aux signes de la vie et à ma bonne étoile. Ceux que j’ai aimés sont des points de repères.
Parlez-nous de vos partenaires de jeu dans «L'esprit de famille»…
Ce sont tous des comédiens qui viennent du théâtre avec un esprit de troupe que l’on ne retrouve parfois pas au cinéma. Il y a une grande solidarité entre les différents corps de métier. Et cela a justement servi à cet esprit de famille. Avec Isabelle (Carré), nous avons joué ensemble «L’école des femmes» de Molière quand nous avions une vingtaine d’années. C’est elle, aussi, qui m’a remis le César du meilleur acteur dans un second rôle pour «Le Prénom» en 2013. Une déflagration de joie intense que l’on a partagée tous les deux. J’avais tourné avec François (Berléand) dans «Tableau d’honneur», de Charles Nemes, en 1992. Je me rappelle d’un soir, dans la cour du théâtre Edouard VII, où il m’avait conseillé et dit de me faire confiance. François est un repère pour moi. J’ai une admiration folle pour le comédien et l’homme qu’il est dans la vie. Il est pétri d’humanité et de contradictions. Je ne pouvais donc pas rêver meilleur père au cinéma.
Comment choisissez-vous vos rôles ?
Que ce soit au théâtre, au cinéma ou à la télévision, et si mon encéphalogramme reste plat, je refuse le rôle. Mon imaginaire doit être ébranlé.
Quels sont vos prochains projets ?
Je vais jouer Figaro dans «Le mariage de Figaro» de Beaumarchais en septembre prochain, au théâtre Antoine, à Paris. Je ne pouvais pas refuser. Je pars aussi en tournée avec la pièce «Sept ans de réflexion». Et je vais participer à la série de TF1 sur l’affaire Grégory Villemin. J’incarnerai le gendarme Sesmat qui a été l’un des premiers à se rendre sur les lieux du drame. C’est un personnage intègre qui a été bouleversé, comme tout le monde, par cette histoire.