Pour «Chanson douce», adapté du roman de Leïla Slimani, prix Goncourt en 2016, Karin Viard a décroché une nomination au César de la meilleure actrice. Un film oscillant entre chronique sociale et thriller psychologique, et diffusé ce mardi sur Canal+ dès 21h05, pour lequel l'actrice a cassé son image de femme joviale.
Dans ce drame coécrit par Lucie Borleteau, Jérémie Elkaïm et Maïween, qui s'inspire d'un fait divers survenu aux Etats-Unis en 2012, elle prête ses traits à Louise, nounou de deux enfants de prime abord dévouée et expérimentée. Au fur et à mesure qu’une relation de confiance se noue avec la famille, cette femme dévoile sa part de monstruosité. Un rôle qui casse l'image sympathique de Karin Viard et qui lui a valu une nomination à la 45e cérémonie des Césars qui s'est tenue le 28 février 2020.
Qu’avez-vous ressenti en découvrant le roman ?
Cela m’a terrifiée autant que fascinée. Leïla Slimani dépeint les sentiments et les relations humaines au scalpel, avec une écriture limpide et incisive. Le film élude certaines parties de l’histoire qui figurent dans le roman.
Comment pourriez-vous présenter le personnage de Louise ?
Cette femme exerce un métier déconsidéré, alors que paradoxalement les parents lui confient ce qu’ils ont de plus cher. Elle se sent totalement exclue et dévalorisée malgré une vie passée à trimer. Ces humiliations successives peuvent amener à beaucoup de violence. Louise est un personnage impardonnable, inexcusable et pourtant, une main tendue aurait peut-être pu la rendre différente.
Comment avez-vous travaillé en amont ?
Avant d’arriver sur le plateau, j’avais ma réalité du personnage. Je l’avais construit avec des strates successives, en lui donnant une forme, une couleur, une odeur. La réalisatrice Lucie Borleteau pouvait ensuite tout me demander. Il ne faut pas être dans la rigidité quand on est acteur.
Vous délaissez ici la comédie («Les Randonneurs», «Rien à déclarer») pour un rôle complexe et âpre…
Interpréter des personnages bons, parfaits et qui ont toujours raison, ne m’intéresse pas. Les êtres imparfaits nous obligent à nous considérer. On peut se retrouver dans leurs imperfections. C’est jubilatoire à jouer. Comme mon rôle de mère dans le déni face à l’agression sexuelle de sa fille dans «Les chatouilles» (d’Andréa Bescond et Eric Métayer, 2018), Louise représente notre humanité, avec tout ce que cela peut avoir d’horrifiant ou d’incompréhensible.
Le personnage de Louise représente notre humanité.
La romancière Leïla Slimani a-t-elle participé à cette adaptation ?
Non, pas du tout. Elle nous a confiés son roman et laissés libres de l’adapter comme on le souhaitait. Selon moi, c’est une grande marque d’intelligence. Les gens font du bien meilleur travail quand ils ne sont pas muselés.
Comment s’est déroulé le tournage avec les enfants ?
C’est toujours particulier de jouer avec des enfants. En France, avec un bébé, on peut tourner une demi-heure. Donc, ces trente minutes comptent triple. Il fallait donc être disponible et s’adapter car sans eux, il n’y avait pas de film possible.
Comment s’est passée votre collaboration avec Leïla Bekhti qui joue la mère de famille et votre patronne ?
Elle est charmante, sérieuse et concentrée. C’est une très bonne collègue de travail.
Vous êtes très engagée pour le droit des femmes. Quelle est votre réaction après les déclarations d’Adèle Haenel sur les agressions sexuelles dont elle aurait été victime ?
C’est un geste très courageux. Elle a toute mon admiration en tant qu’actrice et femme. Prendre la parole et dénoncer, tu le fais pour toi, mais aussi pour les autres. Bravo, Adèle !