Cet été, on n'oublie pas la crème solaire, le parasol et le chapeau et encore moins quelques bons romans, histoire de rattraper le temps perdu pendant l'année.
Les gratitudes, Delphine de Vigan
Une reconnaissance éternelle. Après «Les loyautés» (éd. JC Lattès), qui dressait le portrait d’une enfance douloureuse, Delphine de Vigan publie «Les gratitudes» (éd.JC Lattès), un roman sur la vieillesse et la mort. Michka, une vieille dame, n’est plus capable de vivre seule. Son départ dans une maison de retraite est inévitable. En prenant soin de cacher une bouteille de whisky, elle tente de s’adapter à cette nouvelle vie, rétrécie, mais encadrée. Heureusement, elle peut compter sur les visites de Marie et sur Jérôme, l’orthophoniste de l’Ehpad. Mais alors que Michka sent que la fin approche, elle n’a qu’une obsession, retrouver le couple qui l’a recueillie pendant la guerre…
Pourquoi on aime :
Avec une plume réaliste et tendre, Delphine de Vigan trouve les mots justes et montre l'ampleur de son empathie bouleversante pour évoquer le temps qui passe, la solitude et dans le même élan l’humanité profonde de chacun.
Les gratitudes, Delphine de Vigan, éd.J.-C. Lattès.
Luca, Franck Thilliez
Tout commence dans une chambre d’hôtel de la région parisienne. Une jeune femme s’apprête à « louer son ventre » à un couple en mal d’enfant… avant de disparaître. Un an plus tard, un corps est retrouvé dans une forêt. Au poignet, un tatouage : 17h02. Peu de temps après, un homme meurt devant Le Bastion (ex 36 quai des Orfèvres) : il est 17h02. Parallèlement, le commandant Sharko et sa femme Lucie reçoivent une lettre mystérieuse sur notre monde ultra-connecté…
Pourquoi on aime :
Si Franck Thilliez a la joie de voir ses romans traduits dans le monde entier, écoulés à des millions d’exemplaires, ce n’est pas un hasard. L’auteur de «La Chambre des morts» a le pouvoir d’envoûter à chaque fois ses lecteurs. «Luca» n’échappe pas à la règle et harponne celui qui l’ouvrira pour 550 pages de suspense et de rebondissements. Les fans de Sharko et Lucie seront, quant à eux, ravis de retrouver le couple de papier ainsi que toute leur clique de flics à commencer par le lieutenant Bellanger. En plus d’être efficace, «Luca» soulève de passionnantes questions sur le monde d’aujourd’hui entre réseaux sociaux à la dérive, Darknet, PMA, manipulations génétiques, et toute puissance des GAFAs.
Luca, Franck Thilliez, Fleuve noir, 22,90€.
Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla, Jean-Christophe Rufin
L’amour réinventé. Edgar et Ludmilla se sont aimés, mariés sept fois, divorcés six. A chaque fois, la flamme intense puis l’éloignement, la séparation. Lui est un homme d’affaire séducteur aux dents longues, elle, jeune ukrainienne, se réalise en tant que cantatrice sur les plus grandes scènes de la planète. De 1958 à nos jours, Jean-Christophe Rufin suit les péripéties amoureuses de ce couple original qui ne cessera de s’aimer malgré l’affrontement de leurs mondes. Sur fond d’Histoire récente, l’académicien aux multiples vies – il fut médecin, ambassadeur de France, président d’Action contre la faim – déroule une histoire d’amour inspirée de sa propre existence - il s’est marié à trois reprises avec la même femme. Et si divorcer permettait de mieux s’aimer ? Le débat est lancé.
Pourquoi on aime :
Aux oubliettes le dualisme. Derrière l’histoire d’amour à rebondissements d’Edgar et Ludmilla, Jean-Christophe Rufin parvient à une élégante réflexion sur l’amour et livre un voyage pétillant au coeur de la deuxième moitié du vingtième siècle. Le tout avec pas mal d’autodérision et de légèreté. On se régale.
Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla, Gallimard, 22€.
Né d’aucune femme, Franck Bouysse
Tout débute avec une mort. Un curé est appelé pour bénir le corps de Rose. On lui indique que des carnets sont cachés sous la jupe de la défunte. Au fil des pages de ces derniers, le prêtre va alors découvrir le destin de cette femme, vendue à 14 ans par ses parents pour se retrouver bonne à tout faire chez le maître des forges d’un château aux habitants bien cruels. Rose consigne ainsi dans ses cahiers une vie de travail mais aussi de malheurs. Personne pour la sauver. Rose ne devra compter que sur elle-même pour entrer en résistance.
Pourquoi on aime :
Dureté, noirceur, puissance et émotion. Les nombreux prix (dont le Grand Prix des lectrices de Elle et le prix des Libraires. Rien que ça) qui ont sacré Franck Bouysse sont plus que mérités. « Né d’aucune femme » s’avère avoir été accouché d’un immense conteur qui saura faire vibrer l’âme des plus insensibles au son de ce destin de femme hors du commun.
Né d’aucune femme, Franck Bouysse, La Manufacture des livres, 20,90€
Le roman vrai d’Alexandre, Alexandre Jardin
Alexandre Jardin passe aux aveux. Tout commence lorsqu’il a quinze ans. Son père vient de mourir et sa famille l’envoie faire du bateau en Irlande. Inconsolable, il se mettra en tête d’écrire sur son père. Peine perdue, rien ne lui vient. Point de départ de sa carrière « d’affabulateur ». Il n'aura ensuite de cesse de gommer une réalité trop triste ou trop ennuyante pour la remplacer par toute la fantaisie qu'on lui connait.
Pourquoi on aime :
On avait fini par mélanger le personnage public et le personnage de fiction. On le voyait aussi romantique et lyrique que son Alexandre de Fanfan, aussi torturé et ingénieux que le Gaspard du Zèbre. En réalité, Alexandre Jardin aurait eu une première vie maritale bien lénifiante, et aurait comblé pas mal de pages blanches lorsqu'il s'est mis à parler de sa famille. Il se met ici à nu pour mieux se découvrir soi-même. Selon lui, nous vivons dans une société de plus en plus gangrénée par la mise en scène et ce livre pourrait bien donner des idées d'authenticité à ses lecteurs. Pari réussi. Mais peut-on vraiment croire Alexandre Jardin ? L'auteur, malin, n'a jamais tant égaré ses fans au milieu des routes sinueuses de son existence. Et c’est délicieux.
Le roman vrai d'Alexandre, Alexandre Jardin, éd. L'Observatoire, 18€