Morts louches, inspecteurs à la dérive, disparitions inquiétantes, pas mal d'humour aussi... Les amateurs de polars et de romans noirs peuvent se réjouir : l'année 2019 est un bon cru.
«Luca» de Franck Thilliez
©Fleuve noir
Tout commence dans une chambre d’hôtel de la région parisienne. Une jeune femme s’apprête à « louer son ventre » à un couple en mal d’enfant… avant de disparaître. Un an plus tard, un corps est retrouvé dans une forêt. Au poignet, un tatouage : 17h02. Peu de temps après, un homme meurt devant Le Bastion (ex 36 quai des Orfèvres) : il est 17h02. Parallèlement, le commandant Sharko et sa femme Lucie reçoivent une lettre mystérieuse sur notre monde ultra-connecté…
Pourquoi il faut le lire :
Si Franck Thilliez a la joie de voir ses romans traduits dans le monde entier, écoulés à des millions d’exemplaires, ce n’est pas un hasard. L’auteur de «La Chambre des morts» a le pouvoir d’envoûter à chaque fois ses lecteurs. «Luca» n’échappe pas à la règle et harponne celui qui l’ouvrira pour 550 pages de suspense et de rebondissements. Les fans de Sharko et Lucie seront également ravis de retrouver le couple de papier ainsi que toute leur clique de flics à commencer par le lieutenant Bellanger. En plus d’être efficace, «Luca» soulève de passionnantes questions sur le monde d’aujourd’hui entre réseaux sociaux à la dérive, Darknet, PMA, manipulations génétiques, toute puissance des GAFAs.
«Luca», Franck Thilliez, Fleuve noir, 22,90€.
«Blanc mortel» de Robert Galbraith
©Grasset
J.K. Rowling entre les lignes. Désormais secret de polichinelle, l’auteure d’Harry Potter continue néanmoins à publier sa série de polars sous le nom de son double littéraire, Robert Galbraith. Quatrième volume des aventures du détective Cormoran Strike après L’Appel du coucou, Le Ver à soie et La carrière du mal (Grasset 2013, 2014 et 2015), cet épais Blanc mortel creuse un peu plus profondément dans la vie du célèbre détective. Lorsque celui-ci reçoit la visite d’un adolescent perturbé qui dit avoir été témoin d’un meurtre durant son enfance, Cormoran Strike a à peine le temps de le prendre au sérieux que ce dernier s’enfuit. Alors qu’il se débat dans cette affaire qui le mènera, entre autres, jusque dans les bas-fond de Londres, le détective privé doit faire face à plusieurs écueils : d’abord sa notoriété grandissante l’empêche de rester incognito mais aussi et surtout sa relation avec son ancienne assistante - désormais associée - se complique.
Pourquoi il faut le lire :
Épisode éminemment romanesque, il est fort à parier que ces 704 pages rencontreront au moins le succès des précédents volets de la saga, écoulés à quelques 11 millions d’exemplaires et en passe d’être adaptés à l’écran.
«Blanc mortel», Robert Galbraith, Grasset, 22€.
« Qui prend la mouche » de M.C.Beaton et plus largement la série « Hamish Macbeth »
©Albin Michel
Hamish Macbeth est un policier placide d’un petit village du Nord de l’Ecosse. Sa grande ambition ? Que son métier lui laisse suffisamment de temps pour lui permettre de s’occuper de ses animaux. Heureusement que sa charmante assistante, Priscilla Halburton -Smythe, l’épaule et rien de telles qu’une bonne intuition et la curiosité des habitants des Highlands pour les aider à boucler leurs enquêtes. D’ailleurs, le corps sans vie d’une commère notoire, Lady Jane Winters, est découvert dans la rivière.
Pourquoi il faut le lire :
Célèbre en France depuis l’adaptation à la télévision de la série des Agatha Raisin, M.C. Beaton a également vendu plus de 4 millions d’exemplaires de la série « Hamish Macbeth » outre-manche et on comprend pourquoi. Alliant le charme british des polars surannés et l’authenticité du personnage de Hamish Macbeth, le style M.C. Beaton est sans appel : on s’accroche dès les premières lignes à ce récit revigorant et plein de fantaisie à la poursuite d’un assassin planqué quelque part dans la lande des Highlands (l’écrivaine est d’ailleurs de la région). Qu’une seule idée à avoir après avoir lu « Qui prend la mouche » : se procurer « Qui va à la chasse », la délicieuse suite des aventures d’Hamish et Priscilla.
« Hamish Macbeth dans Qui prend la mouche », M.C. Beaton, Albin Michel, 14€.
Vraie folie de Linwood Barclay
©Belfond
Un samedi matin tranquille dans la petite ville de Promise Falls. Tout à coup, les sirènes d’ambulance se multiplient et des corps inanimés sont retrouvés chez eux, dans la rue ou dans divers lieux publics. Ce qui reli les victimes ? Toutes ont bu de l’eau du robinet. Est-on face à un drame sanitaire ? L’inspecteur Barry Duckworth n’est pas de cet avis. 23 morts pour un 23 mai… Le tueur du nombre 23 est de retour et ne compte pas s’arrêter là.
Pourquoi il faut le lire :
Après « Fausses promesses » et « Faux amis », Linwood Barclay clôt sa trilogie consacrée à la petite ville de promise Falls avec ce vertigineux « Vraie folie ». Pas de temps mort et suspense maîtrisé avec brio, l’auteur américain des « Voisins d’à côté » livre un puzzle narratif ébouriffant foisonnant de personnages qui chacun pourrait avoir le droit à son propre roman. De la haute voltige.
Vraie folie, Linwood Barclay, Belfond, 21,90€.
L'insomnie de Tahar Ben Jelloun
©Gallimard
Insomniaque, un scénariste de Tanger découvre que pour bien dormir, il lui suffit de tuer des gens. Sa première victime sera sa mère, malade et en grande souffrance. Mais les moments de paix nocturne ne durent pas et pour gagner des PCS (Points de Crédit Sommeil), l'homme va devoir recommencer... et devenir ainsi un tueur en série.
Pourquoi il faut le lire :
«C'est mon premier roman comique», aime à rappeler Tahar Ben Jelloun. L'auteur de «La punition» s'amuse du mal dont il est victime - c'est un grand insomniaque - en le transformant en sujet de thriller très original à la limite de la fable burlesque. L'éminent membre de l'Académie Goncourt s'amuse mais aborde aussi quelques sujets de société comme l'euthanasie ou la corruption avec légèreté et son inimitable plume.
L'insomnie, Tahar Ben Jelloun, Gallimard, 20€.
« L’outsider », Stephen King
Coach de l’équipe locale de baseball et citoyen respectable, Terry Maitland est l’un des hommes les plus populaires et respecté de la ville. Mais un jour de match, sous les yeux de sa femme Marcy et de ses deux filles, l’inspecteur Ralph Anderson ordonne son arrestation immédiate pour le meurtre de Frank Peterson, un enfant de onze sauvagement assassiné dans le parc de Flint City. Alors que ses empreintes et son ADN ont été retrouvés sur la scène du crime, Terry continue de clamer son innocence. Et si le coupable était une sorte de force surnaturelle ?
Pourquoi il faut le lire :
La réponse est limpide : Stephen King. What else ? En cours d’adaptation sous forme de série par HBO, les 600 pages de «L’outsider», démontrent, s’il le fallait encore, que l’écrivain américain est le roi incontesté du suspense.
« L’outsider », Stephen King, éd. Albin Michel,24,90€.
«L’erreur», Susi Fox
Alors que la grossesse de Sasha se déroule à merveille, elle doit soudainement subir une césarienne d’urgence. À son réveil, elle demande immédiatement à voir son enfant en pensant vivre un instant magique. Mais son accouchement se transforme en cauchemar. La jeune mère n’a aucun doute, le nourrisson qu’on lui amène n’est pas le sien. Si les médecins, infirmières, et même son mari tentent de la convaincre qu’il s’agit bien de son enfant, l’instinct d’une mère ne trompe pas. Mais alors, où est-il passé ?
Pourquoi il faut le lire :
Pour son premier roman, Susi Fox aborde un thème peu abordé dans l’univers du polar : les maternités et leurs pratiques. Dialogues courts, style très épuré, Susi Fox embarque le lecteur au côté de cette femme dont l'avis n'intéresse personne. Une question se pose : et si l’heroïne avait été un homme, l’aurait-on davantage pris au sérieux ?
«L’erreur», Susi Fox, éd. Fleuve, 19,90€.
Le couteau, Jo Nesbo, Gallimard
Celui qui suit les aventures de l’inspecteur Harry Hole ne peut que rester bouche bée durant les 600 pages que contient ce polar norvégien signé Jo Nesbø. On pensait avoir tout vu des ombrageux recoins de la vie du flic d’Oslo mais on suffoque à l’idée de ne pas pouvoir l’aider.
L’univers gris et froid de la capitale norvégienne accueille l’enquête la plus difficile - et de loin - du policier. Difficile de raconter l’histoire de ces nouvelles aventures d’Harry Hole sans risquer de spoiler le lecteur. Tout commence avec un meurtre. Pas n’importe lequel, celui d’une personne très proche de l’inspecteur dont on ne peut que taire le nom par respect pour les fans des romans de Jo Nesbø. Le flic qui s’autodétruit avec tant de talent depuis «L’Homme chauve-souris» en 2003 doit cette fois s’accrocher à la vie, malgré lui.
Pourquoi il faut le lire :
L’écrivain norvégien ficèle une intrigue impensable et implacable, à la noirceur de jais, sans jamais tomber dans la surenchère. S’il semble flirter avec le rebondissement de trop, celui-ci n’arrive pourtant jamais et le lecteur en arrive à vouloir refuser l’histoire dans laquelle l’auteur l’entraîne. Il l’y entraîne avec tellement de force et de suspense qu’on l’y suit, mal à l’aise, gêné d’être le voyeur indécent de cette chute abyssale, celle de Harry Hole. Difficile de raconter l’histoire sans risque de spoiler le lecteur.
Ce livre marque un tournant dans la saga Hole. Deux tournants même, et les dernières lignes du roman prennent la forme d’un irrespirable teasing. Après la révélation finale, Jo Nesbø laisse le fan à mi-chemin entre le soulagement d’en avoir terminé avec le calvaire de Harry et l’irrépressible envie de lire la suite du meilleur opus de la série.
Le Couteau, de Jo Nesbø, Série noire, Gallimard, 608p., 22€.
Millenium, T.6, «La fille qui devait mourir», Actes Sud
Millenium, c'est fini. Peut-être l'occasion de se (re)plonger dans la célebrissime saga créée par Stieg Larsson décédé en 2004, reprise depuis par le suédois David Lagercrantz qui boucle la saga en beauté avec «La fille qui devait mourir», sorti en août dernier. Ici, le journaliste d'investigation Mikael Blomkvist en pleine enquête sur des «usines à trolls» russes qui diffusent de fausses informations en vue de deséquilibrer les régimes occidentaux. Parallèlement, un SDF est retrouvé dans un sale état est retrouvé mort. Ce dernier aurait eu quelques tuyaux quant à des figures politiques suédoises mortes dans un accident de haute montagne. Lisbeth Salander, elle, a quitté la Suède. A Moscou pour régler des affaires de famille, notamment avec sa soeur en prises avec quelques personnages douteux dont des responsables d'«usines à trolls». Elle va être amenée à collaborer à nouveau avec le journaliste...
Pourquoi il faut le lire :
Si Actes Sud l'assure : cette «fille qui devait mourir» est bien le dernier opus de Millenium, aucun lecteur n'aura envie, en refermant, cet épais volume de délaisser Lisbeth Salander, l'une des héroïnes de roman les plus sauvages, complexe, humaine, qui soit. Au sein de courts chapitres, scènes d'action parfois terrifiantes, dimension politique et vies privées se mêlent dans la grande tradition de Millenium. Les intrigues, elles, vont peu à peu former un grand puzzle où tout va finir par se recouper, faisant rentrer ce livre dans la catégorie de ceux qu'on dévore et qu'on n'oublie pas.
Millenium, T.6, «La fille qui devait mourir», Actes Sud, 384 p., 23 €.