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La semaine de Philippe Labro : La chute de Notre-Dame, le sursaut de notre peuple

«Semaine tragique, semaine de sidération, de tristesse et d’espérance. La sidération, c’est l’incendie géant de Notre-Dame de Paris. Un tournant dans nos vies», écrit Philippe Labro.[AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

Du lundi 15 au vendredi 19 avril

Semaine tragique, semaine de sidération, de tristesse et d’espérance. La sidération, c’est l’incendie géant de Notre-Dame de Paris. Un tournant dans nos vies. Toutes les images, tout le direct, au cœur de notre si belle capitale, tout a déjà été commenté. Cette véritable communion, le soir, la nuit, le lendemain, de gens, jeunes ou vieux, qui prient et qui chantent, une union qui a stupéfié, aussi, le reste du monde. J’ai reçu beaucoup de messages d’amis étrangers. L’un d’entre eux, l’essayiste américain Christopher Buckley, m’a envoyé ce courriel :– We are all Parisians (Nous sommes tous des Parisiens).

Nous ne mesurons pas assez le prestige, la stature, l’influence, le respect, l’admiration, dont bénéficie notre pays : ses musées, ses monuments, ses paysages, sa culture, son héritage, ses artistes… Et tout cela, cette Histoire, ce destin unique, eh bien, d’une certaine manière, se retrouve au «point zéro», d’où tout part, sur le parvis de Notre-Dame de Paris. Mille ans, mille chênes, des siècles de guerre, des couronnements, des enterrements, mille façons d’être et d’aimer, que l’on soit croyant ou mécréant. Voilà pourquoi l’incendie a sidéré. On ne cesse de citer Victor Hugo, dont l’œuvre et le génie sont étroitement associés à Notre-Dame de Paris. Il avait eu cette formule : – «Il existe une imminence de l’impossible.»

Voilà, l’impossible est arrivé, et face à cet impossible, il est du devoir de chacun de renverser l’impossibilité et de rendre possible ce que nous n’attendions plus : une solidarité, une compréhension mutuelle, un retour sur tant de choses non exprimées – le sens qu’on doit donner à un lieu qui n’appartient pas qu’aux seuls chrétiens, un lieu qui dit ce que nous sommes et d’où nous venons. Quand j’étais gamin, en marchant le long de la Seine, j’ai cru ressentir qu’il existait une beauté, et que cette beauté était due non seulement aux labeurs inouïs des bâtisseurs à travers les siècles, mais aussi à l’esprit qui flottait autour et à l’intérieur de ce chef-d’œuvre gothique.

Alors, comme tout le monde, je m’en suis fait une référence. Si vous réfléchissez au poids des mots, voyez comme tout fait sens : c’est «Notre» – c’est-à-dire que ce n’est pas seulement mon lieu, mais celui de tous. «Dame», ça veut dire qu’elle est une mère consolatrice et protectrice. «De Paris», cela veut dire qu’elle définit la ville et qu’elle représente la France. En fait, elle n’est pas à nous – c’est nous qui sommes à elle. Nous lui appartenons tout autant qu’elle nous appartient. Maintenant, il reste une foule d’interrogations. Quelques-unes dominent :

1. Surveille-t-on assez les chantiers ? Un ami me disait : «Dès qu’il y a des travaux quelque part, il y a un danger.»

2. Trouvera-t-on assez d’artisans pour reconstruire ? A-t-on assez entretenu et prolongé la pratique de l’artisanat en France ? De toute crise, dit-on, naît une chance. Si cette tragédie permet de préserver et de renforcer l’artisanat, de faire naître des vocations, de réinstaurer l’expertise des ouvriers, ce sera un salut. L’artisanat à l’heure de l’algorithme, quelle belle idée !

3. La dimension sidérante de la catastrophe peut-elle amoindrir les dissonances qui divisent le pays depuis plus de six mois ? Le complotisme imbécile va-t-il se restreindre ? La crétinisation des réseaux sociaux va-t-elle s’amoindrir ? Le superbe et unanime mouvement de solidarité qui s’amorce depuis la première heure peut-il servir de grand tournant ? Pas celui du quinquennat, ce qui serait un cliché, mais celui de notre destin ? Au-delà des débats politiques, va-t-on rétablir un tissu commun ? J’ose le croire.

Un mot-clé, parmi tous ceux prononcés ou écrits, à propos de cette semaine historique, c’est «espérance». Plus fort encore que le mot «espoir». Marcel Proust a écrit : «L’espérance est un acte de foi.»

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