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Festival d'Angoulême : la mangaka Paru Itagaki se confie autour de Beastars

[© 2017 Paru Itagaki/AKITASHOTEN]

Elle est l'une des belles surprises de ce début d'année au rayon manga. Déjà multiprimée au Japon, la jeune Paru Itagaki est jusqu'au 27 janvier au Festival international de la BD d'Angoulême. L'autrice vient y faire découvrir Beastars, publié aux éditions Ki-oon.

Sa première venue en France est l'occasion pour elle de rencontrer son public à l'espace Manga City, accessible aux festivaliers. Et son travail, empreint d'une grande maturité, la place parmi les nouveaux espoirs de la BD japonaise. Lauréate des prestigieux prix manga Taishô et Osamu Tezuka de la meilleure nouveauté en 2018, cette artiste de 24 ans, qui se déguise pour ne pas révéler son visage, pourrait bien suivre les pas d'une certaine Rumiko Takahashi, honorée cette année du Grand Prix du festival d'Angoulême.

Avec Beastars, dont les deux premiers tomes sont disponibles depuis le 24 janvier en librairie, la discrète Paru Itagaki plonge le lecteur dans un monde animal anthropomorphique. Elle y dépeint le quotidien de l'institut Cherryton où carnivores et herbivores s'y côtoient à la manière de Zootopie, des studios Disney. Toutefois, cette artiste s'en détâche pour livrer un conte plus adulte, en forme d'allégorie de la société des hommes.

Comment avez-vous vécu le fait que Beastars ait été honoré de plusieurs prix prestigieux ? Est-ce son côté atypique dans le paysage des mangas qui a surpris et conquis votre lectorat ?

Paru Itagaki : J'ai encore du mal à réaliser et je me demande encore pourquoi j'ai été à ce point honorée. En réalité, je dessine ce qu'il y a en moi depuis très longtemps et je n'ai pas vraiment l'impression de faire quelque chose de nouveau. Par contre, j'ai le sentiment d'être bien tombée, car je suis publiée à une époque où l'on accepte mon travail tel qu'il est.

Depuis toute petite, je ne dessine que des animaux. Et j'ai toujours aimé raconter des histoires autour. Donc lorsque j'ai commencé à avoir des projets de mangas, il ne m'est pas venu à l'esprit de dessiner autre chose.

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© 2017 Paru Itagaki/AKITASHOTEN

Les travaux des studios Disney vous ont-ils influencée dans ce choix de dépeindre une société animale anthropomorphique ?

Paru Itagaki : Inconsciemment je pense que oui. Puisque j'ai dessiné très tôt des animaux qui marchent sur leur deux jambes et qui portent des vêtements. Mais les travaux de Walt Disney n'ont pas une influence directe sur mes dessins.

A la fin du tome 1, vous expliquez que le visage du personnage de Legoshi (photo ci-dessus) a été créé à partir de l’acteur Mathieu Amalric. Pourquoi cette source d’inspiration et y a-t-il d’autres célébrités françaises ou occidentales qui vous ont inspirées pour d’autres personnages de Beastars ?

Paru Itagaki : J'ai beaucoup apprécié le jeu de Mathieu Amalric dans «Le Scaphandre et le Papillon» (2007) où il n'a que ses yeux pour s'exprimer et comme Legoshi est un personnage qui parle peu, cela me permet également de transcrire ses troubles intérieurs et ses pensées. C'est donc un acteur qui a eu une bonne influence sur ce personnage.

Il n'y a toutefois pas d'autres acteurs ou célébrités qui ont influencé la création des autres personnages de Beastars. Mais, j'apprécie beaucoup les films étrangers. Vu depuis le Japon, les visages et les traits des comédiens occidentaux sont très marqués, ce qui est une source d'inspiration pour dessiner.

Comment travaillez-vous ?

Paru Itagaki : Je produis vingt pages par semaine. En un jour, je créer la structure de l'histoire, ensuite j'ai deux jours pour faire les dessins de tous les personnages, puisque je les illustre tous. Durant les trois jours qui suivent, mes assistants s'occupent de finaliser les décors, poser les trames pour les ombres... Ensuite, le 7e jour, je transmets tout à mon éditeur et on commence à parler de la suite du scénario. Je travaille uniquement de manière analogique avec un crayon inspiré d'un stylo plume à l'ancienne, avec un manche en bois, dont je remplace les plumes au fur et à mesure.

J'aime dessiner les mains. A partir d'elles, je peux faire passer beaucoup de messages sur la personnalité de chaque personnage.Paru Itagaki

Que préférez-vous dessiner dans Beastars ? Quel personnage et quelles parties du corps ?

Paru Itagaki : Je dessine évidemment beaucoup Legoshi, puisque c'est le personnage principal, et je me félicite d'en avoir fait un protagoniste toujours très agréable à réinventer. Je ne me lasse d'ailleurs jamais de le redessiner.

Concernant les partie du corps, j'apprécie particulièrement les mains. C'est à partir d'elles que je peux faire passer beaucoup de messages sur la personnalité de chaque personnage. Par exemple, pour les mains des carnivores ont l'air fortes, tandis que je fait attention à donner un aspect plus doux à celles des herbivores.

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© 2017 Paru Itagaki/AKITASHOTEN

Il y a une grande maturité dans Beastars avec des sujets abordés très adultes dans le fond. Lorsque vous avez imaginé cette œuvre avant de la publier, l’aviez-vous pensée dans cette voie. Souhaitiez-vous avoir ce ton ?

Paru Itagaki : Dès le départ, oui. C'est une histoire que je veux porter. Je la soumet et mon éditeur me dit simplement ce qu'il faut éclaircir ou expliquer. Cela me fait d'ailleurs plaisir que des lecteurs puissent se retrouver dans mes personnages, même si ce sont des animaux.

Vous qui avez fait des études de cinéma, avez-vous l’ambition d’adapter votre œuvre ou de rejoindre des projets de films ou d’animés à l’avenir ?

Paru Itagaki : Pour moi, la forme idéale pour Beastars reste le manga. Je n'ai donc pas vraiment d'envie spécifique d'en faire autre chose. Il est vrai que par le passé j'avais des envies de devenir réalisatrice de film, mais grâce à ma carrière de mangaka, je me sens aujourd'hui en phase avec ce que je veux devenir.

Parralèlement, je pense que mes études ont eu une influence. On me fait souvent remarquer que Beastars n'est pas un shônen (manga pour adolescents) classique et je pense que c'est dû, en partie, au fait que j'utilise des mises en scène tirées du cinéma. Par exemple, j'aime beaucoup l'idée de faire passer des sentiments par un enchaînement de dessins précis ou encore je prend soin d'utiliser une seule source de lumière pour mettre en valeur certaines scènes.

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© Nicolas Cailleaud/CNEWS

Rumiko Takahashi vient d’être honorée du Grand Prix du Festival d’Angoulême et sera donc la présidente de l’édition 2020. Il est encore rare que cette distinction française honore une femme. Pensez-vous que les femmes mangakas sont reconnues à leur juste valeur aujourd’hui au Japon et dans le monde ?

Paru Itagaki : Au Japon, il y a de plus en plus d'œuvres proposées par des femmes. Elle sont autant appréciées que celles créées par des hommes. Toutefois, encore peu de femmes mangakas sont éditées dans des hebdomadaires de prépublication très grand public. Et il y a une raison : cela demande beaucoup de résistance physique pour tenir un tel rythme sur le long terme. De ce point de vue, on a un désavantage. Mais foncièrement, nous sommes au même niveau lorsqu'on créé une histoire. J'arrive à être publiée hebdomadairement, parce que je suis jeune, mais je pense que ce n'est pas facile.

Rumiko Takahashi a-t-elle eue une influence sur votre envie devenir mangaka ?

Paru Itagaki : Quand j'avais 12 ans, j'appréciais beaucoup Maison Ikkoku (Juliette je t'aime). Tous ses personnages bizarres sont dessinés avec beaucoup de tendresse. Je crois que c'est cela qui me plaît dans son travail.

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