Elles ont chanté avec les Rolling Stones, Elvis, Frank Sinatra, U2, Sting ou Michael Jackson, qu'elles surpassent souvent musicalement, mais n'ont jamais connu la gloire: le festival Sundance donne un visage à ces choristes d'exception dans un documentaire.
"Twenty Feet From Stardom" (A quelques mètres de la gloire), signé par l'Américain Morgan Neville, a fait jeudi soir l'ouverture du plus grand festival américain de cinéma indépendant, qui se tient jusqu'au 27 janvier à Park City, dans les montagnes de l'Utah (ouest des Etats-Unis).
Le film retrace les carrières d'une poignée de femmes, noires pour la plupart, peu ou pas connues du grand public mais qui ont laissé leur marque indélébile sur les chansons les plus célèbres du répertoire populaire.
Elles se nomment Darlene Love, Lisa Fisher, Tata Vega, Claudia Lennear, The Waters Family... ou encore Merry Clayton, la voix féminine de "Gimme Shelter" des Rolling Stones, probablement la partie de choriste la plus célèbre de l'histoire du rock'n roll.
"Ce qui m'a frappé immédiatement (avec les choristes), c'est que ce n'est pas +sexe, drogues et rock'n roll+. Ce sont des personnes qui ont passé leur existence à devoir accepter le fait qu'elle n'étaient pas là pour être sous les projecteurs", explique Morgan Neville à l'AFP.
"D'une certaine manière, j'ai fait un film sur des +junkies+, des drogués de la musique. Gagner beaucoup d'argent ou atteindre la gloire leur importe peu, la seule chose qui les intéresse, c'est la musique", dit-il.
Cela ne veut pas dire que ces chanteuses n'ont jamais caressé le rêve d'une carrière solo. Quasiment toutes ont publié leurs propres albums, mais aucune n'a rencontré le succès qui lui aurait permis de devenir une star.
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Lisa Fischer, principale choriste des tournées des Rolling Stones depuis 1989 et "impératrice des choristes" est une exception: son album a connu un beau succès --il a même remporté un Grammy Award-- mais c'est elle qui a décidé de ne pas aller plus loin dans l'aventure solo. "Pour moi, chanter c'est partager, ça n'a jamais été une compétition", explique-t-elle dans le documentaire.
"Le chant comme une vocation"
Tata Vega, qui n'a pas non plus réussi à percer malgré une voix exceptionnelle, regarde les choses avec philosophie: "Je pense que si j'avais réussi, je ne serais probablement pas assise ici à vous parler, parce que je serais morte, quelque part, d'une overdose", raconte-t-elle au documentariste.
Pour Morgan Neville, ces choristes forment une communauté homogène et ont, peut-être plus encore que les stars qu'elles accompagnent, le goût du partage.
"Tout le monde n'est pas capable de chanter. C'est un don, et ce don, d'une certaine manière, doit être partagé. Pour elles, cela relève de la spiritualité", dit-il. "Elles ont toutes commencé à chanter dans les églises, elles sont très croyantes, et je suis sûr qu'elle considèrent le chant comme une vocation".
Le film suit également la nouvelle génération, à travers Judith Hill, une voix de velours repérée par Michael Jackson. Elle devait être la choriste principale de son méga-spectacle "This is it", mais la mort du "roi de la pop" avant les concerts a tué dans l'oeuf ses rêves d'exposition mondiale.
Elle espère toujours faire une carrière solo mais doit encore accepter des parties de choristes, pas toujours glorieuses, pour boucler ses fins de mois.
Car il n'y a plus beaucoup d'opportunités pour ces voix d'or. Les années 90, avec l'avènement du hip-hop et du grunge, puis les coupes claires des maisons de disques dans les budgets d'enregistrement, ont durement touché les choristes.
"Et les grandes artistes (...) comme Adele ou Florence and The Machine chantent les choeurs elles-mêmes", note M. Neville. "Pourtant, je pense que des grands choristes bien utilisés, c'est juste sublime. Ils apportent à la musique quelque chose d'inégalable".