Le marathon des prix littéraires qui s'achèvera mercredi par le prix Interallié a couronné les grands favoris de l'année, les jurys tout puissants s'autorisant cependant des coups d'éclats relayés par le "buzz" de la toile.
Académie, Femina, Médicis, Goncourt, Renaudot, Décembre, Flore : disputé par une poignée de favoris et quelques challengers, ce marathon littéraire a récompensé sans surprise les Français Jérôme Ferrari et Patrick Deville ainsi que le jeune Suisse Joël Dicker, tous trois en lice pour plusieurs prix dont le Goncourt.
C'est Jérôme Ferrari qui a obtenu le plus prestigieux des sacres pour son roman "Le Sermon sur la chute de Rome" (Actes Sud), qui fait d'un bar corse l'épicentre d'une fable superbe sur les espérances déçues, les frustrations et l'inéluctable fugacité des mondes.
Un choix encensé vendredi par Jean Birnbaum, responsable du Monde des Livres, dans son éditorial où il parle d'"un beau roman d'amour mais aussi un superbe conte philosophique".
Patrick Deville a été récompensé par le Femina pour "Peste & Choléra" (Seuil) et Joël Dicker, 27 ans, par le Grand Prix du roman de l'Académie française pour "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" (aux Editions Fallois).
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Mais c'était sans compter sur l'imprévisibilité des jurés et notamment ceux du prix Renaudot qui, à la surprise générale, ont couronné la Rwandaise Scholastique Mukasonga, pour son livre Notre-Dame du Nil (Gallimard), elle qui ne faisait même pas partie de leur sélection finale.
"Impossible aux Etats-Unis"
"Créer la surprise dans des prix qui normalement sont tous préfabriqués et dont on connaît les lauréats une semaine à l'avance c'est formidable!", s'enthousiasmait vendredi Jean-Noël Schifano, fondateur et directeur de la collection Continents Noirs chez Gallimard qui a publié l'ouvrage.
Autre surprise de taille, Emmanuelle Pireyre, inconnue du grand public, a obtenu le Médicis pour "Féerie générale" (L'Olivier). Loin d'être une favorite, elle a été choisie dès le premier tour, par 8 voix sur 10 par un jury au sein duquel a repris place l'ancien ministre de la Culture Frédéric Mitterrand.
"Une stratégie de communication", dit Frédéric Martel, chercheur, journaliste à France Culture et spécialiste de la politique culturelle : "comme ils (les jurys et organisateurs des prix, ndlr) sont conscients d'un certain déphasage avec le public, ils ont tendance à faire des coups de com".
"Un tel système, très blanc, très âgé, qui ne se renouvelle pas et qui est loin de représenter la diversité ethnique de la France ne serait pas possible aux Etats-Unis", souligne-t-il, déplorant que "la France continue à valoriser ce système d'un autre temps aux dépens de l'exportation de ses produits culturels".
Un avis que ne partage pas M. Schifano, qui rêve au contraire de "deux ou trois autres grand-messes littéraires de ce type chaque année comme de tout ce qui peut mettre la création littéraire sur le devant de la scène".
Cette année, Twitter a bouleversé les vieilles habitudes: au Grand prix du roman de l'Académie française comme au Femina ou au Médicis, ce sont les éditeurs, hebdomadaires spécialisés, journalistes ou membres des jurys en personne qui ont annoncé en avance les noms des lauréats à partir de leurs comptes.
Une dernière surprise pourrait encore intervenir mercredi pour le prix Interallié, qui couronne souvent l'un des oubliés des prix précédents.
Trois finalistes ont été retenus : Philippe Djian ("Oh...", Gallimard), Nicolas d'Estienne d'Orves ("Les fidélités successives", Albin Michel) et Sébastien Lapaque ("La convergence des alizés", Actes Sud).
Le prix Interallié sera décerné la veille de la remise du Goncourt des lycéens.