Il a 76 ans et toujours l'envie d'en découdre: Ken Loach, représentant d'un cinéma très "social" et lauréat, ce week-end à Lyon, du Prix Lumière, s'inquiète pour l'avenir du financement du 7e art français, actuellement en discussion à Bruxelles, appelant la profession à "résister".
Le réalisateur britannique, Palme d'or à Cannes en 2006 pour son film "Le vent se lève", de nouveau récompensé cette année à Cannes du "prix du jury" pour sa nouvelle comédie "La part des anges", était à Lyon samedi et dimanche pour y recevoir le Prix Lumière 2012.
La quatrième édition du Festival Lumière, organisé par Thierry Frémaux, directeur de l'Institut Lumière à Lyon et délégué général du Festival de Cannes, l'a récompensé pour "l'ensemble de son oeuvre".
Son prix lui a été remis samedi soir par Eric Cantona, qu'il avait dirigé dans son film "Looking for Eric" (sorti en 2009), l'ancien footballeur y jouant son propre rôle.
Faisant part de ses "inquiétudes" pour l'avenir du cinéma hexagonal, dimanche lors d'une conférence de presse, Ken Loach, très en verve, a fustigé "ceux qui, à Bruxelles, veulent en finir avec le système" qui permet au septième art français, grâce à une fiscalité originale, d'être florissant.
"On m'a demandé de signer plusieurs lettres pour défendre" un système, qui, "s'il devait s'arrêter, mènerait à la destruction" du cinéma français, a-t-il affirmé. "Ce serait un désastre, une pure folie!", a-t-il lancé, dénonçant "les attaques" de Bruxelles contre le cinéma français.
Selon lui, "il faut s'organiser de toutes les manières possibles, avec les syndicats du cinéma, les partis politiques, les organisations communautaires" pour "résister".
Le cinéma français bénéfice d'un système de subventions unique en Europe: toute la filière paie des taxes dont une partie est reversée au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui la redistribue à son tour à l'industrie cinématographique.
Le spectateur intervient dans cette chaîne puisqu'un pourcentage du prix du billet alimente également le CNC et donc le cinéma français.
"Les portes du paradis"
Ce système, rôdé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, entre aujourd'hui dans des turbulences qui pourraient le mettre en danger. Les nouveaux venus dans la filière - fournisseurs d'accès à internet comme google, Itunes, Amazon, Google, Youtube, Dailymotion... - rechignant à payer leurs taxes, ont fait appel à la Commission européenne qui penche en leur faveur.
Depuis six mois environ, Paris et Bruxelles bataillent sur ce sujet, Bruxelles devant rendre son verdict le 21 novembre.
"Pour nous, en Angleterre, le système français de subvention du cinéma est très important. Mais pour les politiciens en Europe, en tout cas pour certains d'entre eux, c'est une façon d'interférer dans le marché. Et bien sûr, ils détestent cela", a également affirmé Ken Loach.
Interrogée par l'AFP sur ce sujet, Isabelle Huppert --présente à Lyon où le film qu'elle a tourné en 1980 avec l'Américain Michael Cimino (également présent), "La porte du paradis", clôturait le Festival Lumière dimanche après-midi-- a également fait part d'une certaine inquiétude.
"On redoute tous les coupes budgétaires, l'amenuisement des subventions", a-t-elle affirmé. Toutefois, "j'ai le sentiment que le cinéma français ne s'en sort pas si mal que ça", a-t-elle ajouté, plus optimiste que le réalisateur britannique.
Selon la comédienne, "Ken Loach est quelqu'un qui est souvent contre et c'est bien d'avoir des gens qui sont contre, c'est essentiel. Je ne suis pas toujours d'accord avec ce qu'il dit, mais c'est quelqu'un qui affirme ses opinions", a-t-elle ajouté.
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