Après avoir fait un tabac dans le monde anglophone, le phénomène littéraire érotique de "Fifty Shades", et d'autres romances comparables, arrive en France, en Suisse et en Belgique, déterminé à faire succomber à leur tour les lectrices francophones.
"Cinquante nuances de Grey", le premier tome de la trilogie sado-masochiste à l'eau de rose de la Britannique E.L. James, y sort le 17 octobre, après une première sortie en français au Québec le 5.
Dans la même veine, "Dévoile-moi", de l'Américaine Sylvia Day, sortira dans ces pays et au Québec le 7 novembre.
Aux Etats-Unis, "Fifty Shades" s'est vendu à 32 millions d'exemplaires depuis sa sortie en mai 2011; et à plus de 40 millions au niveau mondial, selon l'éditeur Random House. La trilogie a été vendue à 46 pays en 45 langues.
A New York, des femmes la lisent dans les bus et le métro, et ses trois tomes s'affichent sans complexe dans le rayon bestsellers des librairies, avec d'autres romances érotiques destinées aux femmes, d'où l'appellation marketing de "Mommy porn" ("porno pour mamans").
N'en déplaise à l'image puritaine des Etats-Unis, les Américaines ont dévoré les aventures du très beau, très riche et très dominant Christian Grey, qui n'aime rien moins que fesser sa jeune amante Ana Steele et l'attacher pendant l'amour.
Leurs ébats sexuels sont tricotés sur une improbable histoire d'amour, un scénario maigrelet et une écriture répétitive, mais qu'importe: un film est en préparation à Hollywood, et E. L. James, qui n'avait jamais auparavant écrit de livre, est devenue millionnaire.
Déjà en avril, elle se disait "stupéfaite par son succès". "C'est la crise de la quarantaine. J'ai écrit mes petits fantasmes, rien d'autre", confiait cette mère de deux ados sur NBC.
Des romans d'abord auto-édités
De son vrai nom Erika Leonard, elle l'avait d'abord écrit comme une "fanfiction" de la série Twilight, avant de la réécrire et de la proposer sur son site internet, puis de la confier à une petite maison d'édition en ligne australienne.
Les livres électroniques ont l'avantage de pouvoir s'acheter et se dévorer en toute discrétion. En quelques mois, "Fifty Shades", "qui n'a rien inventé", reconnaît E. L. James, trouve son lectorat.
La publication papier suit, une fois les droits rachetés par Random House en mars.
A moindre échelle, le scénario a été le même pour Sylvia Day, 39 ans, mère de deux enfants, basée à San Diego.
Auteur déjà d'une quinzaine d'ouvrages, elle a auto-publié "Dévoile-moi" ("Bared to you") sur internet, "persuadée", dit-elle à l'AFP, "que cela n'intéressait que moi". Elle le sort en avril 2012. En vend 100.000 exemplaires électroniques en un mois. Fin mai 2012, Berkley (groupe Penguin USA) rachète les droits.
Depuis, elle en a vendu 2 millions d'exemplaires aux Etats-Unis, dont 700.000 en numérique. Et vendu les droits dans 34 pays.
Sylvia a payé sa maison, changé de dimension. Des discusssions pour un film sont en cours.
Pas de sado-masochisme chez elle. Mais son héros, Gideon Cross, est aussi beau et perturbé que Christian Grey, et son héroïne, Eva Tramell, succombe comme Ana Steel au premier regard. Et là encore, force scènes sexuelles. "J'écris ce que je voudrais lire", explique-t-elle.
Pourquoi un tel succès pour ce genre de littérature ?
Pour l'éditrice de Sylvia Day, Cindy Hwang, le phénomène a commencé il y a "cinq, six ans". Aidé par l'essor des tablettes numériques, il tient aussi au fait que les femmes ont "désormais une perception plus forte de leur sexualité, et la lecture de tels ouvrages en fait partie".
Le directeur commercial de Berkley, Rick Pascocello, y voit un marketing réussi. Les couvertures des livres destinés aux hommes sont explicites, pour les femmes, elles "sont beaucoup plus subtiles", dit-il. "Dévoile-moi" montre deux boutons de manchette, "Cinquante nuances de Grey", une cravate grise.