Fascinés par l’Inde envoûtante et mystérieuse, Maryse et Jean-François Charles composent avec le second cycle d’India Dreams une magistrale saga à l’époque victorienne où les destins individuels s’enchevêtrent avec la grande Histoire.
Inde, fin du XIXe siècle. Fuyant l’Angleterre, les différents personnages, qui se sont croisés à bord du bateau dans le précédent tome d’India Dreams, découvrent un continent mystérieux, à la fois angoissant et envoûtant. A peine débarquée à Calcutta, la jeune Virginia Moore, qui s’était faite engager par la famille Byle en usurpant l’identité de leur gouvernante Percy Law, décédée dans un accident de train avant le départ, à tôt fait de prendre le large, en compagnie d’Abe Dawson, un jeune planteur de thés ruiné, qui n’est pas insensible à son charme. Sous la protection du professeur Sybellius, un érudit non conformiste, chassé de son université en raison de ses idées jugées licencieuses, les deux jeunes gens cherchent à rejoindre Agra à dos d’éléphants. Nommé à la Cour suprême de Calcutta, le juge Athur Byle a bien du mal à rassurer son épouse Cybill, bourgeoise capricieuse et frivole, décontenancée par les mœurs locales. Quant au capitaine Renfield, affecté au prestigieux régiment de cavalerie des lanciers du Bengale, il est pris en grippe par le colonel commandant la garnison en raison de la réputation controversée attachée au nom de son père, qui fut lui-même major de l’armée des Indes.
Du Taj Mahal qui donne son titre à l’album, Percy et Abe n’apercevront que la silhouette se mirant au clair de lune dans la rivière Yamunâ. Pourtant, le célèbre mausolée de marbre blanc sert bien de toile de fond à cette aventure exotique où les parcours individuels des personnages s’enchevêtrent avec la grande Histoire, celle d’une nation colonisée par un occupant britannique qui ne s’embarrasse guère de scrupules. Alors que la révolte des Cipayes, réprimée dans le sang, est encore présente dans les esprits, la route de Percy, d’Abe et de Sybellius va croiser celle de voyageurs qui se révèleront être des Thugs, assassins fanatiques qui étranglent leurs victimes.
L’Inde exerce une véritable fascination sur Maryse et Jean-François Charles, qui en décrivent les coutumes, traditions et croyances avec beaucoup de sensibilité et de respect. Après un premier cycle consacré au destin de trois générations de femmes, le couple d’auteurs a donc relancé sa série India Dreams, en choisissant cette fois l’époque victorienne. Avec un art consommé de l’ellipse, ils mettent patiemment en place tous les ingrédients d’une nouvelle saga magistrale, dont on pressent qu’elle débouchera sur un drame. Ponctué de portraits de femmes magnifiques, de péripéties dangereuses, de coups de théâtre à répétition et d’ébats amoureux, le récit, parfaitement maîtrisé, mêle habilement suspense, émotion et dépaysement. Jean-François Charles trouve dans l’intrigue, élaborée avec son épouse, matière à exprimer tout son talent d’aquarelliste dans une explosion de couleurs qui traduit avec justesse la diversité luxuriante de l’Inde, la fureur des combats ou le trouble des scènes érotiques.
India Dreams, tome 7, Taj Mahal, Maryse & Jean-François Charles, Casterman, 48 pages, 13,25 euros.