Les garçons perdent leurs sandales, elles ne tiennent pas. A une demi-heure du défilé Lanvin, il faut ajuster les détails, trouver rapidement des solutions. Une couturière glisse un bout de néoprène, la matière des combinaisons de plongée, à l'intérieur. Problème réglé.
Dans les coulisses, les tout jeunes mannequins, beaucoup de Britanniques, beaucoup de tatoués, sont torse nu, des pinces colorées dans les cheveux pour une mise en plis impeccable. Ceux qui ont les cheveux ras ont droit à un coup de tondeuse pour lisser. Les autres boivent un café, mangent un bout de gâteau, lisent un roman assis par terre.
Lucas Ossendrijver, couturier néerlandais de 42 ans, arrive le premier. C'est lui qui dessine l'homme chez Lanvin depuis six ans, sous la houlette du directeur artistique Alber Elbaz.
Ce géant au regard doux, ancien assistant de Hedi Slimane chez Dior Homme, porte un T-shirt en soie d'un bleu vif: "C'est du bleu Lanvin, c'est aussi toute l'histoire de la collection", alliant luxe et décontraction.
Le vestiaire pour l'été 2013 joue sur "les contradictions" entre le costume classique en matières traditionnelles et la modernité de finitions high-tech, de tissus "techniques" et fonctionnels.
"On a fait des pantalons taille haute, des taille basse, des vestes rondes, amples et d'autres plus étroites", explique le styliste, "pour créer cette tension qui est l'attrait de la mode, mais aussi proposer plusieurs silhouettes aux hommes".
"J'observe les hommes dans la rue et nos clients. On essaye de proposer quelque chose de plus démocratique, en répondant à leurs besoins", explique-t-il.
Sur costumes et manteaux, les boutons sont remplacés par des pressions invisibles, les débardeurs d'apparence simple sont tissés en fils de soie. Les codes "sportswear" sont détournés pour traiter un blouson léger comme une chemise en soie "qu'on porterait avec une cravate", illustre-t-il.
Parkas et blousons jouant sur la transparence sont recouverts d'applications de python. Un manteau tout en python appliqué sur une base nylon semble aussi léger et délicat qu'une feuille. "Luxe et high-tech", résume Lucas.
Sur le podium, légèrement élevé pour "donner à la mode un peu de hauteur" explique Alber Elbaz, la brillance, notamment plusieurs pièces argentées, remplace la couleur. A part quelques touches du bleu maison, la collection, très applaudie, navigue entre grisés et noirs.
"Ce sont les hommes qui choisissent, on n'a pas voulu imposer le style ou la coupe de la saison. Notre garde-robe est plus versatile et aussi plus tendre à l'égard de ceux d'entre nous qui ne portent pas une taille zéro", celle des mannequins, explique le styliste israélien affable, dans son sabir franco-anglais inimitable.
"Les contradictions n'ont rien de négatif, elles apportent une tension, une énergie moderne nécessaire", affirme encore le chouchou des rédactrices de mode.