Pour Mathieu Demy, Los Angeles "a toujours été une ville importante". C'est dans la Cité des Anges qu'il a passé une partie de son enfance et fait l'acteur pour sa mère Agnès Varda, avant de s'en "détacher sentimentalement" en y réalisant son premier film, "Americano".
Mathieu Demy, 38 ans, vient de passer quelques jours à Los Angeles pour y présenter "Americano" au festival du cinéma français COLCOA et à la presse américaine, et pour y superviser la restauration de "Lola" (1961), le premier long métrage de son père Jacques Demy, décédé en 1990.
La mégalopole de la côte ouest était le creuset inévitable de ses aspirations de cinéaste -- après une longue carrière d'acteur consacrée essentiellement au cinéma d'auteur français --, un lieu idéal alliant souvenirs, évasion et matière narrative.
C'est à Los Angeles, où elle vivait alors avec Jacques Demy et Mathieu, qu'Agnès Varda avait tourné en 1981 "Documenteur", un faux documentaire mettant en scène une mère et son fils. La réalisatrice avait donné à Mathieu, alors âgé de 8 ans, le rôle du fils.
"Avant de tourner +Americano+, j'avais vraiment une sorte de nostalgie de Los Angeles, j'avais le souvenir du tournage de +Documenteur+, de la période pendant laquelle j'avais vécu ici. J'étais même revenu vivre ici il y a une quinzaine d'années, pendant six mois", raconte Mathieu Demy à l'AFP.
Dans "Americano", Mathieu Demy mêle volontairement fiction et réalité de façon très intime, en interprétant Martin, un personnage qui part à Los Angeles pour rapatrier le corps de sa mère. Martin se remémore son enfance dans la ville, à travers des flash-backs constitués d'extraits de "Documenteur".
"C'est curieux parce que chaque fois que je suis revenu dans cette ville et que j'ai revisité les endroits de +Documenteur+, j'ai vécu, comme Martin, des réminiscences de mon enfance. C'était intéressant et constructif pour le film de comprendre que beaucoup de choses peuvent déclencher les souvenirs", dit-il.
"Pour moi, Los Angeles a toujours été une ville importante. Mais ma relation au lieu a changé depuis que j'ai fait ce film. Maintenant, je suis plus détaché sentimentalement. Et je peux considérer cette ville de manière un peu plus libre et autonome", confesse-t-il.
"Americano", en convoquant la figure d'Agnès Varda mais aussi de Jacques Demy -- à travers le personnage mexicain de Lola (Salma Hayek), écho lointain de la "Lola" de 1961 -- est aussi un film qui revendique son héritage cinématographique... pour mieux le dépasser.
"Ce film-là devait être mon premier film", dit-il. "Je me devais d'avoir un point de vue sur mon héritage cinématographique. Je ne pouvais pas faire comme si ça n'existait pas. J'avais l'impression que je devais en parler".
"Mais c'est clairement une page familiale que je tourne, car je ne vais pas parler de ma famille toute ma vie", souligne-t-il.
"Pour moi, +Americano+ était un film spécial", dit-il -- le tatouage du titre sur son avant-bras en témoigne largement
"J'ai eu besoin de m'extraire de la pesanteur familiale. Une pesanteur positive, car je suis assez en paix avec mes parents, j'admire beaucoup leur travail donc je n'ai pas trop de problèmes avec ça", observe-t-il.
"Mais je reconnais que c'est aussi un film qui a laissé des traces. J'ai trouvé intéressant de raconter des choses intimes à travers la fiction. J'aime aussi voir ça dans les films des autres", assure-t-il.