Un marathon culturel consistant à interpréter à l'approche des JO d'été les 37 pièces de William Shakespeare en 37 "langues" --dont le hip-hop et la langue des signes-- a débuté lundi à Londres, avec une représentation en maori classique s'ouvrant sur un haka.
La compagnie néo-zélandaise Ngakau Toa a choisi cette danse guerrière ancestrale popularisée par l'équipe de rugby de son pays pour introduire sa version de "Troïlus et Cressida", le jour de l'anniversaire de naissance du célèbre dramaturge anglais (1564-1616).
"Il est de tradition dans notre culture de commencer par un défi", a expliqué le directeur de la troupe, Rawiri Paratene, qui participe lui-même à cette gestuelle caractéristique, mêlant cris et mimiques menaçants.
Comme beaucoup d'autres représentations du festival "Globe to Globe", la pièce présentée par la compagnie néo-zélandaise est davantage une interprétation qu'une traduction du livret original de William Shakespeare, même si elle en garde les éléments principaux, précise Rawiri Paratene à l'AFP.
Ngaku Toa est l'une des 37 compagnies participant à ce festival qui se tient jusqu'au 9 juin au Shakespeare Globe Theater, consacré à l'auteur anglais sur la rive sud de la Tamise.
Pour un prix abordable mais sans sous-titres, les Londoniens vont pouvoir écouter au total 85 heures de Shakespeare déclamé en mandarin, espagnol ou français, mais aussi en swahili, bengali, yoruba, en langue des signes britannique et même en hip-hop.
Au-delà du "simple concept" consistant à présenter toute l'oeuvre de Shakespeare en différentes langues, cette manifestation est "l'un des festivals les plus ambitieux de tous les temps", estime le directeur de "Globe to Globe", Tom Bird.
"Nous voulons montrer que Shakespeare n'est pas qu'un dramaturge anglais (...), il fait partie du patrimoine mondial", ajoute-t-il.
L'autre objectif est d'impliquer les nombreuses communautés qui vivent à Londres.
Mais réussir à monter ce festival n'a pas été chose facile. "Vous dépendez bien sûr de l'obtention des visas, des vols et des hôtels, mais aussi de la politique internationale", explique Tom Bird.
La compagnie afghane Roy-e-Sabs, qui doit présenter "La Comédie des erreurs" en dari (persan afghan) a vu ses répétitions interrompues par un attentat contre le British Council à Kaboul en août dernier, tandis que le Théâtre libre du Bélarus, interdit par le régime, a dû répéter "Le Roi Lear" dans la clandestinité.
La présence de la troupe israélienne Habima, qui mettra en scène "Le Marchand de Venise", a suscité l'opposition à Londres de militants pro-palestiniens. La compagnie a également dû faire face à des critiques dans son propre pays, où elle a été accusée d'avoir choisi une "oeuvre antisémite".
Mais c'est sans doute la troupe représentant le Soudan du Sud, pays indépendant depuis juillet et en proie aux combats, qui a rencontré le plus de difficultés.
"Vous êtes confrontés à des problèmes inimaginables au quotidien", a confié le directeur du festival, citant les problèmes de communications téléphoniques et internet qui ont rendu difficile la programmation des répétitions pour cette compagnie qui doit interpréter "Cymbeline".
Parmi les représentations proposées, les deux plus surprenantes seront sans doute la version hip-hop d'"Othello" de la compagnie américaine "O Brothers" venue de Chicago, et "Peines d'amour perdues" en langue des signes du groupe britannique "Deafinitely Theatre".
"Le principal défi pour moi est d'utiliser l'espace de manière éloquente", a expliqué l'actrice sourde-muette Nadia Nadarajah, par le biais d'un interprète. "Les acteurs qui parlent doivent faire porter leur voix, tandis que moi je dois faire porter mes mains si je peux dire, pour toucher tout le monde."