Fresque lyrique, solo esthétique, créations survitaminées... La seconde moitié de la saison 2015/2016 marie avec habileté grandes signatures et jeunes chorégraphes.
Les adieux de Mats Ek aux Champs-Elysées
A 70 ans, il fait un pas en arrière. Le toujours surprenant chorégraphe suédois Mats Ek, orfèvre respecté de la danse contemporaine qu’il a poussée vers des vertiges théâtraux et un lyrisme décapant, fait ses adieux. Pour l’occasion, il a conçu un programme en trois ballets pour le Théâtre des Champs-Elysées. Après “She was black” (1994) et “Solo for two” (1996), deux bons crus, il présentera “Hâche”, une nouvelle pièce portée par sa femme et muse, Ana Laguna.
«From black to blue» de Mats Ek, jusqu’au 10 janvier, Théâtre des Champs-Elysées (8e).
Le tableau animé de Carolyn Carlson à Chaillot
Le plateau, empli de couleurs, paraît accueillir une toile immense et vivace dont, soudain, se détache une silhouette : celle de Carolyn Carlson. Dans ce solo follement visuel, la chorégraphe américaine se place à mi-chemin entre danse et arts plastiques, ses deux passions. Elle virevolte, en maîtrise, sur la scène baignée d’images diaprées. Imaginé avec les artistes-vidéastes Electronic Shadow, le ballet investit le théâtre de Chaillot pour le dixième anniversaire de sa création.
«Double vision» de Carolyn Carlson, du 10 au 12 février, Théâtre de Chaillot (16e).
Roméo et Juliette, les amants indémodables de l’Opéra de Paris
Romantique et cruelle, l’histoire shakespearienne est connue de tous. Pourtant, elle demeure, tel un récit mythologique, un scénario à la modernité toujours pertinente. Dans la version de Rudolf Noureev, entrée au répertoire de l’Opéra de Paris en 1984, la violence des batailles entre Montaigu et Capulet le dispute à la sensualité dévorante, tout en souplesse, dans laquelle s’enlacent Roméo et Juliette. Cette fresque tumultueuse de capes, d’épées et de luxure, hissée par la partition de Prokofiev, est parvenu à devenir un classique. Toujours éblouissant.
«Roméo et Juliette» de Rudolf Noureev, du 19 mars au 16 avril, Opéra Bastille (12e).
Les souvenirs amers de Dorothée Munyaneza à St-Ouen et à La Courneuve
Dorothée Munyaneza avait douze ans lorsqu’éclatèrent dans son pays, en 1994, des heurts et des exactions qui finiraient par former le génocide rwandais. Pour sa première pièce chorégraphique, dans laquelle elle danse et parle, elle fait le récit de son expérience individuelle, depuis le temps de l’insouciance où elle écoutait à la radio son émission préférée “Samedi détente” jusqu’aux massacres, massifs et systématiques. Avec grâce, elle ravive, dignement et à sa hauteur, de douloureux soubresauts historiques.
L’énergie ravageuse de Hofesh Schechter au Théâtre de la Ville
Pour clôturer la saison, les spectateurs pourront se réjouir du nouveau ballet, en trois parties, de l’Israélien Hofesh Schechter, jeune pousse suractive. Ce chorégraphe installé à Londres n’a pas son pareil pour électriser le public à qui il offre à l’entrée des bouchons d’oreilles, comme pour les préparer à l’électrochoc qui les attend. Sa nouvelle création, présentée au festival d’Avignon l’an passé, célèbre l’amour comme expérience totale. Il conjugue une musique survoltée à des enchaînements techniques où brillent six danseurs athlétiques, habillés de combinaisons de coton blanc ou de latex mordoré… Un shoot d’énergie moite et bienfaitrice.
«Barbarians» de Hofesh Schechter, du 30 mai au 4 juin, Théâtre de la Ville (1er).