Un mystérieux assassin, probable tueur en série, a plongé la France dans le recueillement et l'indignation lundi, abattant trois enfants et un professeur dans une de Toulouse (sud-ouest), pire attaque antisémite depuis 30 ans dans le pays.
L'homme qui a pénétré lundi dans le collège Ozar Hatorah de la grande ville du sud-ouest de la France a utilisé la même arme que celle ayant servi à abattre trois militaires dans la même région au cours des huit derniers jours. Il se déplaçait aussi sur le même scooter volé, un modèle Yamaha très puissant, selon la police.
Arrivé sur son deux-roues, il a abattu un professeur de religion de 30 ans, ses enfants de 3 et 6 ans, et la fille d'une dizaine d'années du directeur de l'établissement, avant de prendre la fuite. La fusillade a aussi fait un blessé grave, un adolescent de 17 ans.
Le tueur de Toulouse "a tiré sur tout ce qu'il y avait en face de lui, enfants et adultes, et des enfants ont été poursuivis à l'intérieur de l'école", a décrit à la presse le procureur Michel Valet.
Cette tuerie, qui a suscité l'effroi dans le pays, est la première visant des juifs en France depuis l'attentat de la rue des qui avait fait 6 morts en 1982 dans le quartier juif de Paris.
Arrivé rapidement à Toulouse, le président Nicolas a qualifié la tuerie de "tragédie nationale". Le chef de l'Etat français a décrété une minute de silence mardi dans les écoles et assuré qu'"absolument tout sera mis en oeuvre pour retrouver" le tueur.
"Ce sont des images que l'on avait vues dans d'autres pays et qu'on n'avait jamais vues dans le nôtre. On n'a pas d'autre choix que d'affronter", a souligné le président de la République.
"C'est un acte antisémite qui a été porté contre des enfants juifs", a affirmé le ministre de l'Intérieur Claude Guéant, qui a immédiatement ordonné un "renforcement de la surveillance" autour des écoles juives du pays, puis autour de tous les lieux confessionnels.
Campagne présidentielle interrompue
A un mois de l'élection présidentielle, la campagne a été brutalement interrompue par cette tragédie. Candidat à sa propre succession, Nicolas Sarkozy a été suivi dans l'après-midi à Toulouse par son principal adversaire, François Hollande.
Le candidat socialiste a appelé à "une réponse commune et ferme de toute la République".
Selon les indices recueillis par les enquêteurs, il ne fait guère de doute que cette fusillade est le troisième crime de ce tueur, après deux attaques visant des militaires à Toulouse (le 11 mars) et dans la ville voisine de Montauban (le 15 mars), qui ont fait trois morts, trois soldats d'origine maghrébine, et un blessé grave qui est un Noir.
A Toulouse, le drame s'est d'abord noué devant l'école: l'homme est arrivé sur son scooter, a utilisé une arme, sans doute un 9 mm, à l'extérieur de l'école. Il a tiré sur un homme, puis son arme s'est enrayée. Il est alors entré dans l'établissement, où il a eu recours à une autre arme, de calibre 11,43 cette fois (comme dans les tueries de militaires) et a tiré sur des enfants, ont affirmé des sources policière et judiciaire.
C'est désormais le parquet antiterroriste de Paris qui dirige les enquêtes sur les trois fusillades, qui ont en commun un tueur expérimenté, utilisant la même arme de calibre 11,43, se déplaçant sur le même deux-roues et capable de disparaître rapidement après ses crimes.
La qualification de "terroriste" de ces actes a été retenue en raison de l'impact de ces tueries, qui créent "un climat d'intimidation et de terreur", a-t-on précisé de source judiciaire.
La communauté juive de France, la première en Europe avec plus de 500.000 membres, a exprimé son horreur.
"Je suis horrifié par ce qui est arrivé ce matin à Toulouse devant l'école juive", a déclaré à l'AFP le grand rabbin de France Gilles Bernheim, en ajoutant être "meurtri dans mon corps et dans mon âme".
Israël dénonce un "meurtre odieux"
Une des premières réactions de soutien à la communauté juive est venue du président du Conseil français du culte musulman, Mohammed Moussaoui, qui s'est dit "horrifié" et a tenu "à exprimer toute sa solidarité et celle des musulmans de France".
L'Union des étudiants juifs de France a appelé à une marche silencieuse à 20H30 (19H30 GMT) à Paris en hommage aux "victimes de l'attentat antisémite de Toulouse". Auparavant, un office religieux aura lieu dans une synagogue de Paris, en présence de Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Depuis la fin de la semaine dernière, la police redoutait une nouvelle attaque du mystérieux tireur, devenu l'homme le plus recherché de France, qui n'hésite pas à tirer en plein jour dans des lieux très fréquentés.
Dans la rue Dalou à Toulouse, où se trouve le collège, de nombreux parents ou proches, souvent en pleurs, exprimaient leur peine et leur colère. "Quelle explication ? On est dans l'antisémitisme brutal ignoble", lançait un parent d'élève, Charles Bensemhoun. Une femme à ses côtés se lamentait: "maintenant, ils tirent sur des enfants".
Les autorités israéliennes ont très rapidement réagi. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a condamné "le meurtre odieux de Juifs, dont des petits enfants", estimant qu'on ne pouvait écarter la possibilité que ce crime ait "été motivé par un antisémitisme violent et sanglant".
"De toutes les choses horribles, je ne connais pas de plus grand péché que le meurtre d'un enfant, un être innocent qui n'a fait de mal à personne", a affirmé le président israélien, Shimon Pérès.