La cour d'appel de Paris a confirmé vendredi la compétence de la justice française pour juger le réseau social Facebook dans un conflit l'opposant à un internaute, alors que le géant du net prétendait n'avoir de comptes à rendre qu'à la justice américaine.
La cour a confirmé l'ordonnance du tribunal de grande instance de Paris du 5 mars 2015 qui avait jugé "abusive" la clause exclusive de compétence, obligatoirement signée par tous les utilisateurs de Facebook. Cette clause désigne un tribunal de l'État de Californie, où siège l'entreprise, comme étant le seul habilité à trancher les litiges.
A l'origine du litige, l'action en justice d'un professeur des écoles qui reproche à Facebook d'avoir censuré son compte sur lequel il avait posté une photo du tableau de Gustave Courbet "L'origine du monde", représentant un sexe féminin.
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"Cette décision est un acte de souveraineté de la part des juridictions françaises qui par cet arrêt signifient à Facebook, mais également à tous les géants du net, que dorénavant ils devront respecter la loi française et répondre de leurs éventuelles fautes devant les juridictions de ce pays", s'est félicité auprès de l'AFP Me Stéphane Cottineau, avocat de l'internaute. "Cet arrêt va faire jurisprudence et obliger Facebook et toutes les autres sociétés du e-commerce étrangères qui disposent de ce type de clause à modifier leur contrat", a-t-il ajouté.
L'avocat s'est aussi dit "satisfait" que la justice française puisse maintenant se pencher sur le fond du dossier, "la confusion faite par Facebook entre oeuvre d'art et pornographie et la question de la liberté d'expression sur les réseaux sociaux".
A l'audience, l'avocate de Facebook avait demandé à la cour de constater l'incompétence de la juridiction française. Elle avait fait valoir que l'internaute avait signé les conditions générales d'utilisation qui prévoient la compétence exclusive d'un tribunal californien et estimé que l'usager ne pouvait être considéré comme un consommateur, l'adhésion au site étant gratuite. Elle avait en outre assuré que l'enseignant "photographe free-lance" aurait eu un usage professionnel du site, ce qui le priverait du bénéfice du code de la consommation qui prévoit la saisine d'un tribunal du ressort du consommateur.
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Dans son arrêt, la cour d'appel relève que si le service fourni par Facebook est gratuit, "la société tire des bénéfices importants de l'exploitation de son activité, via notamment les applications payantes, les ressources publicitaires et autres, de sorte que sa qualité de professionnelle ne saurait être sérieusement contestée".
Pour les juges, il n'apparaît pas en revanche que l'enseignant "se soit servi de son compte pour développer une quelconque activité professionnelle". Et dès lors", dit la cour, "c'est par une juste appréciation" que le juge de première instance a considéré que "le contrat souscrit est un contrat de consommation soumis à la législation sur les clauses abusives".
Rappelant que le code de la consommation présume "abusives" les clauses ayant pour objet de "supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice des consommateurs", la cour a considéré que la clause attributive de compétence du contrat Facebook entrait dans ce cadre pour plusieurs raisons. En cas de conflit, elle "oblige le souscripteur à saisir une juridiction particulièrement lointaine et à engager des frais sans aucune proportion avec l'enjeu économique du contrat souscrit pour des besoins personnels ou familiaux", constate l'arrêt pour qui "les difficultés pratiques et le coût d'accès aux juridictions californiennes sont bien de nature à dissuader le consommateur d'exercer toute action (...) de le priver de tout recours à l'encontre de la société Facebook Inc".
A l'inverse, les juges constatent que le géant américain dispose d'"une agence en France et de ressources financières et humaines qui lui permettent d'assurer sans difficulté sa représentation et sa défense devant les juridictions françaises". Pour la cour d'appel, il est donc clair que "la clause attributive de compétence du contrat Facebook a pour effet de créer "un déséquilibre significatif" au "détriment du consommateur", créant "une entrave sérieuse (...) à l'exercice de son action en justice".