La vaccination rend-elle sexy ? Alors que le pass vaccinal est entré en vigueur en janvier, Tinder, Bumble ou encore Meetic proposent à leurs utilisateurs d’indiquer sur leur profil - de manière facultative - s’ils sont immunisés contre le Covid-19.
Il est possible depuis cet été d’obtenir un badge «Vacciné» ou «J’ai eu mon vaccin» grâce à une simple déclaration sur l’honneur. Reste à savoir si ce badge permet d’atteindre le but ultime des célibataires : matcher, soit «aimer» le profil d’une personne, et qu’elle nous «aime» en retour.
«Il n’y a aucun “cadeau” prévu pour les personnes qui déclarent leur statut vaccinal», assure Benjamin Puygrenier, porte-parole de Tinder France. Les algorithmes ne les mettent pas davantage en avant, et aucune nouvelle option n’est disponible pour eux. Il s’agit pourtant d’une stratégie privilégiée Outre-Manche : en juin dernier, le gouvernement britannique s’est associé à l’application et tous les utilisateurs vaccinés ont bénéficié d’un «Superlike» supplémentaire (une fonctionnalité normalement payante sur Tinder). «En France, on ne le fait pas. Culturellement, nous avons estimé que ce n’était pas approprié», explique Benjamin Puygrenier.
Le design du badge vaccination sur Tinder, Meetic et Bumble (de gauche à droite) © Tinder, Meetic et Bumble
Même positionnement chez Meetic : «A aucun moment, nous n’avons récompensé un utilisateur pour avoir déclaré son statut vaccinal. Ce n’est pas du tout pris en compte dans l’algorithme», assure Héloïse Des Monstiers, directrice de Meetic France. Enfin, chez Bumble, le badge «J’ai eu mon vaccin» a «une valeur d’information, pour que les utilisateurs puissent communiquer plus facilement sur le sujet», indique Noami Walkland, vice-présidente de Bumble Europe. «Mais il n’influence pas les profils proposés par l’algorithme. Les matchs sont basés sur les critères fixés par l’utilisateur : la distance, l’âge, etc.»
Autant de matchs avec ou sans le badge
Si les utilisateurs vaccinés ne règnent pas sur les algorithmes, remportent-ils tout de même quelques matchs ? L’équipe de CNEWS a mené une expérience (*) sur Tinder, qui se revendique officiellement pro-vaccination. Notre rédaction s’est créée deux profils féminins avec des photos et une description identiques. Seule différence : l’un d’entre eux arborait le badge «Vacciné», contrairement à l’autre. Le profil vacciné a obtenu une moyenne de 72 matchs sur 100 profils passés en revue. Le profil non-vacciné, 74.
Avec un profil masculin, l’écart est tout aussi réduit : le profil vacciné obtient en moyenne 3 matchs sur 100 profils passés en revue, et le non-vacciné, 6. A noter que cette différence de matchs entre les genres est «normale» : les filles ont en moyenne 25 fois plus de chances de matcher que les garçons, selon une enquête du Monde parue en 2019.
«La vaccination ne fait pas partie de mes critères», témoigne Florent, 23 ans, utilisateur de Tinder. «Je regarde bien évidemment les photos, la bio aussi, mais la vaccination, c’est le dernier de mes soucis.» Amusé, il ajoute : «Et puis, vu mon nombre de matchs, ce n’est pas comme si je pouvais me permettre d’être sélectif là-dessus…»
Le vaccin, un «petit plus»
Le badge n'est pas un critère, mais un «petit plus», pour Emma, 22 ans, utilisatrice de Bumble et Tinder. La jeune femme avoue accorder «peut-être davantage d’attention» aux profils se revendiquant vaccinés. «C’est quelque chose que je défends, alors ça me poserait problème d’aller à un rendez-vous avec une personne qui n’a pas fait son injection», justifie-t-elle. D’autant plus que tous les lieux propices à un premier rendez-vous, comme les bars, cafés ou cinémas, sont soumis au pass vaccinal.
Emma est loin d’être un cas isolé : 31% des Français de plus de 18 ans préfèrent une rencontre avec une personne vaccinée, et 28% refuseraient même de rencontrer quelqu’un qui ne l’est pas, selon un sondage YouGov paru cet été. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les sites de rencontre ont lancé cette fonctionnalité : les utilisateurs avaient d’eux mêmes tendance à se dire vaccinés dans leur description. Le badge a pour objectif de leur faciliter la tâche.
Le sticker Vacciné n'a pas vocation à disparaître sur TinderBenjamin Puygrenier, porte-parole de Tinder France
La durée de vie de ce petit sticker reste incertaine. A l’heure où 80% des Français ont reçu deux doses, est-il toujours utile de préciser son statut vaccinal ? «Nous ne sommes plus dans la même dynamique, la vaccination est beaucoup moins un sujet pour les célibataires d’aujourd’hui», reconnaît Héloïse Des Monstiers de Meetic. «La fonctionnalité est donc moins suivie.»
Au contraire, pour Tinder, pas question de la supprimer. «Ce n’est pas quelque chose qui a vocation à disparaître», estime Benjamin Puygrenier. «Surtout avec le pass vaccinal et la troisième dose.» Car si être vacciné n’est plus un atout charme, ne pas l’être, lui, peut s’avérer rédhibitoire.
Farah en a fait l’expérience. A 22 ans, cette étudiante en dentaire a fréquenté ces dernières semaines un garçon non vacciné rencontré sur Tinder. «On n’avait pas accès aux bars, ni au cinéma, ni à rien… On ne faisait que rester dans sa voiture, et ça m’agaçait», se souvient-elle. «Après ça, la vaccination est devenu un critère pour moi.» Si Farah ne sélectionne pas uniquement les profils comportant le badge «Vacciné», elle «pose la question dès les premiers messages», assure-t-elle.
La vaccination peut donc bel et bien donner un petit coup de pouce dans le monde du dating. Mais si vous n'avez pas réalisé les fameuses injections, les applications s'adaptent déjà : «Impffrei : Love» vient d'être lancé en Suisse, et se revendique comme le Tinder des non vaccinés. L'équivalent n'existe pas encore en France. Un déménagement serait-il la solution ?
(*) expérience menée sur 600 profils masculins et 600 profils féminins, âgés de 18 à 30 ans, en Ile-de-France.