Lorsqu'on parle informatique quantique, le grand public n'y voit souvent qu'un sujet obscur. Pourtant, cette technologie, encore en gestation, pourrait révolutionner la recherche, notamment celle portant sur les médicaments. La société Qubit Pharmaceuticals est déjà l'une des pionnières dans le monde sur cette question.
Le 21 janvier 2021, le président Emmanuel Macron annonçait un plan d'investissement de 1,8 milliard d'euros pour soutenir la recherche en matière d'informatique quantique, avec pour objectif que la France reste compétitive en la matière.
Cette technologie nécessitant encore plusieurs années de recherche fondamentale avant d'arriver à maturité, certaines sociétés emboîtent le pas afin de ne pas rater le départ de ce nouveau train prometteur.
Et parmi les applications révolutionnaires qui seront liées aux futurs ordinateurs quantiques, Qubit Pharmaceuticals explore l'une de ces premières applications : découvrir des molécules qui viendront composer les médicaments de demain.
Déjà des résultats autour du covid-19
Cette jeune société, qui réunit notamment de partenaires universitaires franco-américains, a déjà appliqué son savoir-faire sur deux classes de molécules qui entrent dans la composition de traitements pour lutter contre le covid-19. «Nous avons des programmes en cours dans les domaines de l’inflammation et du cancer», explique à CNEWS le Dr Robert Marino, directeur général de Qubit Pharmaceuticals.
Et de poursuivre : «Le but de notre plate-forme est de permettre notamment de "sauter" la partie des tests en paillasses dans les laboratoires, grâce à la capacité de tout faire sur ordinateur. L'idée étant d'aller plus rapidement grâce aux calculs, avant d’arriver aux tests cliniques qui resteront nécessaires pour valider un traitement. Il faut savoir qu'aujourd'hui en matière de pharmacie, on est encore au stade du travail à l’ancienne où beaucoup d'élements sont préparés avec des expériences classiques».
Interroger de nouvelles machines
Surtout, Qubit Pharmaceuticals participe à la pose des fondations de l'informatique quantique en développant la manière d'interroger ces nouvelles machines. «Si l'on doit raisonner par analogie pour l'informatique quantique, nous en sommes actuellement à l'époque où on faisait travailler un ordinateur classique avec des cartes perforées, comme dans les années 1950-60. En outre, il y a plusieurs sociétés sur cette technologie qui fonctionnent chacune avec des plates-formes différentes, il faut donc s'adapter. Nous travaillons à démontrer ce qu'on appelle les "avantages quantiques", c'est-à-dire lorsque ce type de machine s'avèrera plus utile que l'informatique classique pour résoudre certains problèmes, tout en étant moins énergivore», résume le professeur Jean-Philip Piquemal, du laboratoire de chimie théorique à l'université de la Sorbonne.
Happy to see this new #preprint finally out: Computationally driven discovery of #SARS-CoV-2 Mpro inhibitors: from design to experimental validation. Nice collaboration with the @qubit_pharma #compchem team. Thanks to @awscloud and @Genci_fr for support. https://t.co/Ooe8M9PqpA pic.twitter.com/uDsTVGlYFU
— Jean-Philip Piquemal (@jppiquem) October 12, 2021
Pour y parvenir, Qubit Pharmaceuticals révise et modernise des programmes informatiques nés il y a déjà plusieurs dizaines d'années, afin de poser de nouvelles équations à des supercalculateurs et certains modèles quantiques. Reste alors à créer un programme capable de traduire cette équation dans le langage d'un ordinateur quantique, qui n'est pas binaire. Ce que préparent les «chimistes quantiques» de Qubit Pharmaceuticals.
«Avec un ordinateur quantique, on sait que l'on peut miser sur un gain exponentiel de puissance de calcul en raison de sa technologie», souligne le Pr Jean-Philip Piquemal. Car quelques minutes peuvent théoriquement suffire à un ordinateur quantique pour résoudre une équation complexe, lorsqu'un supercalculateur est susceptible de mettre plusieurs dizaines d'années, voire bien davantage pour offrir le même résultat. De quoi donner un sérieux coup de boost à la recherche.
Enfin, cette société souligne que la réponse fournie par un ordinateur quantique doit également être traduite afin d'être intelligible pour les scientifiques et les personnes qui les utilisent. «Un jour nous interrogerons un ordinateur quantique de la même manière qu'un ordinateur actuel, l'idée étant que des logiciels servent d'interprètes», prophétise le Pr Jean-Philip Piquemal. A terme, Qubit Pharmaceuticals pourrait donc proposer une plate-forme à même d'épauler les chercheurs, mais aussi de posséder son propre portefeuille de candidats médicaments.
Alors que la course autour de cette technologie est aujourd'hui lancée au niveau mondial, la France compte faire jouer ses cerveaux en la matière. «La France n'est pas partie en retard dans le domaine de l'informatique quantique. Nous avons même un excellent terreau dans la recherche avec notamment de nombreuses personnes formées en physique-chimie. Nous avons un vrai rôle à jouer», conclut Dr Robert Marino.