Considérés comme la prochaine révolution majeure pour notre santé, les microrobots capables de réparer notre corps vont radicalement changer le visage de la chirurgie et des interventions médicales. CNEWS lève le voile aujourd'hui sur deux projets, dénommés ArteDrone et Caranx Medical, tenus encore à l'abri des regards.
Des robots autonomes de la taille d'un grain de riz capables de déboucher une artère afin de soigner un AVC, d'intervenir pour prévenir une rupture d'anévrisme ou encore d'effectuer des traitements de microradiothérapie sur une tumeur, voici à quoi devrait ressembler les actes chirurgicaux de demain, sur lesquels mise le fonds d'investissement Truffle Capital. Plusieurs dizaines de millions d'euros ont ainsi été investis depuis deux ans dans ces nouvelles technologies qui mobilisent actuellement des chercheurs et des ingénieurs venus d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Asie.
Guider un robot à travers le corps humain
«Afin de bien comprendre cette révolution, nous pouvons résonner par analogie avec l'histoire de l'aviation, analyse le Dr. Philippe Pouletty, directeur de Truffle Capital et pionnier dans les biotechnologies. Il y a 30 ans, les pilotes de ligne prenaient de multiples décisions lors de leur vol et dans les phases d'atterrissage. Avec l'invention du GPS puis des algortihmes d'intelligence artificielle, aujourd'hui il est possible pour l'autopilote de décoller depuis Roissy-CDG et d'atterrir à JFK à New York par temps de brouillard, sans qu'un pilote n'intervienne. Dans le domaine médical, la même révolution est en train de se dessiner. Il y a 30 ans, pour enlever un caillot responsable d'un AVC ou guérir d'un cancer de la prostate, il fallait un brillant chirurgien et son savoir-faire. Désormais, la prochaine révolution passera par la robotique autonome, puisque l'imagerie médicale couplée à des marqueurs et des biocapteurs, joueront le rôle d'un système GPS, pour guider à tout moment un robot à travers le corps humain».
Concrètement, deux projets différents mais complémentaires permettront au personnel médical d'intervenir selon les cas. Le premier, ArteDrone s'appuie sur des microrobots autonomes ne dépassant par les 2 à 5 mm. Comme le montre la vidéo ci-dessus, ceux-ci auront pour première vocation de traiter les AVC (accidents vasculaires cérébraux), 3e cause de mortalité et 2e cause de handicap.
un système de guidage magnétique
«Lorsque survient un AVC, un neuroradiologue n'a que deux à quatre heures pour déboucher l'artère bloquée par un caillot, sinon le tissu cérébral meurt. Avec les microrobots, l'idée est similaire au guidage d'une petite voiture autonome sur une route départementale qui devra prendre plusieurs virages. ArteDrone, vise ainsi à injecter un robot depuis votre carotide. Comme une petite barque sur une rivière, le microrobot va se laisser d'abord porter par le flux sanguin. Vient ensuite l'étape de son pilotage lors des bifurcations. Avec l'imagerie médicale, il sera possible de le diriger en couplant l'imagerie à un système de guidage magnétique. En clair, des aimants vont tourner à grande vitesse autour de votre crâne permettant d'orienter le robot pour remonter jusqu'au caillot», commente le Dr. Philippe Pouletty.
Au-delà des opérations liées aux AVC, ArteDrone pourrait être utilisé pour combler un anévrisme ou obturer une artère nourricière qui irrigue une tumeur cancéreuse afin de ralentir son développement. «Nous pouvons même imaginer que le petit robot puisse venir traiter une tumeur en l'irradiant directement, on parle alors de microradiothérapie, ce qui permettrait des traitements mieux ciblés et moins toxiques», ajoute Dr. Philippe Pouletty.
Une commercialisation dans 5 à 10 ans
Baptisé Caranx Medical (du nom du fameux poisson pilote), le second projet en la matière est basé à Nice. Il s'appuie quant à lui sur un robot portable plus imposant et pouvant être piloté par un professionnel de la santé. Son principe repose sur la chirurgie miniinvasive, l'intelligence artificielle et l'imagerie puisque ce robot va permettre de déployer plusieurs petits cathéters dans le corps. «Tels des couteaux-suisse, ils permettront de sectionner, de faire des sutures, de brûler un tissu, de déployer une prothèse ou un implant ou encore de renforcer un organe défectueux par exemple. On l'imagine intervenir notamment pour prévenir une rupture d'anévrisme de l'aorte abdominale (dont sont morts le général de Gaulle et Albert Einstein notamment), de retirer une tumeur de l'intestin, du foie, du pancréas ou du poumon. Habituellement, ce type d'opération demande des gestes de chirurgie invasive complexes réservés à des chirurgiens très expérimentés. Caranx va permettre au chirurgien ou au médecin de faire de la chirurgie complexe de manière plus simple. Tel le pilote, d’Airbus, il surveillera dans son cockpit Caranx avec ses écrans de contrôle au lieu d’effectuer chaque geste chirurgical, ne reprenant la décision au robot qu’en cas de rare imprévu que l’intelligence artificielle ne saura pas gérer», souligne Dr. Philippe Pouletty.
Actuellement en phase de recherche et développement, les technologies liées à Artedrone et Caranx pourraient faire l'objet de premiers essais cliniques d'ici trois à cinq ans, mais il faudra patienter entre cinq voire dix ans avant leur commercialisation. «Ceci est un projet international, le temps peut paraître long, mais cette technologie reste très ambitieuse et devrait aboutir à des révolutions médicales à même de sauver des vies», conclut-il.