Le premier rapport d'Amnesty International concernant les violences faites aux femmes sur Twitter date de 2017. Trois ans après, l'ONG juge que le réseau social «n'en fait toujours pas assez». Dans un nouveau document publié mardi 22 septembre, elle demande à Twitter d'appliquer dix recommandations formulées au fil des années et annonce son intention de suivre leur évolution.
«La violence basée sur le genre est une violence qui est dirigée envers une femme parce qu'elle est une femme, ou qui touche les femmes de façon disproportionnée», rappelle Amnesty International, reprenant ici la définition élaborée par le Comité pour l'élimination des discriminations envers les femmes des Nations-Unies.
New Amnesty analysis shows that despite some progress, Twitter is not doing enough to protect women users, leading many women to silence or censor themselves on the platform. Twitter can and must do more to protect women from abuse.
Full report: https://t.co/7H6DBWSZGv pic.twitter.com/dLdxKXwgxm— Amnesty International (@amnesty) September 22, 2020
Selon l'ONG, plusieurs manifestations de cette violence peuvent être observées sur Twitter. Elle cite «les menaces directes ou indirectes de nature physique ou sexuelle, les abus ciblant un ou plusieurs aspects de l'identité d'une femme comme le racisme ou la transphobie, le harcèlement ciblé, les violations de vie privée, le partage d'images intimes sans consentement».
L'organisation a mené l'enquête au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Argentine et en Inde et a fait les mêmes constats à chaque fois : depuis 2017 les femmes utilisant Twitter n'ont vu aucune amélioration majeure et subissent toujours ce genre d'abus, les poussant à l'autocensure.
Pour y remédier, l'une des principales recommandations d'Amnesty International concerne l'amélioration de la transparence de Twitter sur ces questions. Interrogée par Le Monde, Rasha Abdul Rahim, codirectrice d'Amnesty Tech, explique que cela permettrait «d'avoir une image plus précise de l'ampleur et de la nature du phénomène et d'évaluer les progrès». L'ONG préconise ainsi la publication régulière de statistiques renseignant sur les types d'abus subis par les femmes sur Twitter, classés par région et par année.
Un système de modération jugé opaque
La même transparence est demandée concernant les moyens mis en oeuvre par le réseau social pour sa modération. Le système est considéré comme opaque et Amnesty International demande notamment à connaître le nombre de modérateurs mobilisés et la formation suivie par chacun. Un bilan de leur action est également considéré nécessaire afin de connaître, par exemple, le délai de réponse de Twitter lorsqu'un abus est signalé ainsi que le niveau de satisfaction des utilisateurs ayant donné l'alerte.
Pour sensibiliser les internautes, l'ONG conseille au réseau social de mettre en place des campagnes de communication dédiées aux violences faites aux femmes en ligne. L'accompagnement des victimes doit lui aussi être renforcé, avec une information ciblée et des conseils sur les outils numériques leur permettant de se protéger.
Twitter a réagi à ce dernier rapport, admettant qu'il «reste des choses à faire», mais contestant une partie des évaluations d'Amnesty International qui «ne rend pas compte de son travail de manière juste ou complète». Le réseau social affirme que certains des progrès réalisés ne sont pas mentionnés, notamment ceux liés aux outils de filtrage des contenus offensants et au système de détection automatisée des publications abusives.
Certaines des recommandations de l'ONG lui paraissent en outre difficilement applicables, notamment celle qui préconise de fournir des outils aux femmes victimes de violence en ligne. Le réseau social juge difficile de déterminer la ressource adéquate pour chaque cas particulier parmi «les centaines de partenaires et d'organisations» existants.
La plate-forme à l'oiseau bleu assure qu'elle travaille en permanence à son amélioration et Amnesty International compte bien s'en assurer. Selon l'ONG, il est plus que temps pour le PDG de Twitter, Jack Dorsey, de «traduire ses paroles en actes».