San Francisco, capitale des hautes technologies, est devenue la première ville américaine à bannir l'utilisation d'outils de reconnaissance faciale par la police et d'autres agences du gouvernement local en raison des inquiétudes croissantes pour la protection de la vie privée.
Pour les partisans de la nouvelle réglementation, l'utilisation de logiciels et de caméras pour identifier des personnes n'est pas encore «au point», a estimé l'élu Aaron Peskin.
L'interdiction ne concerne pas les aéroports ni les sites régulés par les autorités fédérales.
«La propension à ce que la technologie de reconnaissance faciale mette en danger les droits civils et les libertés civiques contrebalance nettement ses soi-disant bénéfices», relève la décision.
Cette technologie «va exacerber l'injustice raciale et menacer notre capacité à vivre libre de toute surveillance permanente par le gouvernement», ajoute-t-elle.
L'interdiction s'inscrit dans le cadre d'une réglementation plus vaste sur l'utilisation des systèmes de surveillance et l'audit des politiques en la matière, avec des conditions plus strictes et la nécessité d'une approbation préalable du conseil pour les agences municipales concernant de tels systèmes.
Une interdiction similaire est envisagée à Oakland, de l'autre côté de la baie de San Francisco dont la région abrite des géants des nouvelles technologies comme Facebook, Twitter, Uber ou Alphabet, la maison-mère de Google.
«Il sera illégal pour tout département d'obtenir, conserver, avoir accès à, ou utiliser une quelconque technologie de reconnaissance faciale ou une quelconque information obtenue à partir d'une technologie de reconnaissance faciale», selon un paragraphe du long document contenant la nouvelle réglementation.
Outil dangereux ou utile ?
La surveillance par reconnaissance faciale suscite des craintes liées au risque que des personnes innocentes soient identifiées à tort comme étant des délinquants et que ces systèmes empiètent au quotidien sur la vie privée. Mais pour les partisans de cette technologie, elle peut aider la police à lutter contre la criminalité et à rendre les rues plus sûres.
L'arrestation de criminels par la police a été portée à son crédit mais elle est également responsable d'identifications erronées.
«La reconnaissance faciale peut être utilisée pour la surveillance générale en association avec des caméras vidéos publiques et peut être utilisée d'une manière passive ne requérant pas la connaissance, le consentement ou l'adhésion de la personne concernée», a relevé la puissante Association de défense des droits civiques (ACLU) sur son site internet.
«Le plus grand danger est que cette technologie soit utilisée pour des systèmes de surveillance classiques et au-dessus de tout soupçon», a-t-elle poursuivi.
A San Francisco, un groupe local d'habitants luttant contre la criminalité, Stop Crime SF, considère pour sa part que la reconnaissance faciale «peut aider à localiser des enfants disparus, des personnes atteintes de démence ou à combattre les trafics sexuels».
«Cette technologie va s'améliorer et pourrait se révéler un outil utile pour la sécurité publique si elle est maniée de manière responsable et avec le plus grand soin», argue le groupe dans un communiqué. «Nous devrions laisser la porte ouverte à cette possibilité».
La Chine s'est dotée de vastes réseaux de caméras de surveillance sur tout son territoire. L'utilisation par Pékin de caméras de reconnaissance faciale dans le cadre d'un système de surveillance généralisée de la population musulmane au Xinjiang est d'ailleurs dénoncée par l'ONG Human Rights Watch.
Le quotidien américain New York Times a rapporté récemment que les autorités chinoises se servent de cette technologie pour repérer les membres de la minorité musulmane des Ouïghours, après avoir été programmée suivant leurs caractéristiques physiques afin de ne rechercher qu'eux.
Ce serait le premier exemple connu de l'utilisation par un gouvernement de l'intelligence artificielle pour faire du profilage racial.