Le parquet de Paris a ouvert une enquête dès vendredi soir après la vague de cyberattaques simultanées qui a touché des dizaines de pays dans le monde, à l'aide d'un logiciel de rançon.
L'enquête de flagrance a été ouverte pour «accès et maintien frauduleux dans des systèmes de traitement automatisé de données», «entraves au fonctionnement» de ces systèmes, «extorsions et tentatives d'extorsions».
Les pirates ont apparemment exploité une faille dans les systèmes Windows, divulguée dans des documents piratés de l'agence de sécurité américaine NSA. «Aujourd'hui nous avons assisté à une série de cyberattaques contre des milliers d'organisations et d'individus dans des dizaines de pays», indique dans un communiqué l'agence britannique de cybersécurité (NCSC) qui recommande de mettre à jour ses logiciels de sécurité et ses anti-virus.
«Nous avons reçu de multiples rapports d'infection par un logiciel de rançon», écrit de son côté le ministère américain de la Sécurité intérieure dans un communiqué. «Particuliers et organisations sont encouragés à ne pas payer la rançon car cela ne garantit pas que l'accès aux données sera restauré».
Cette vague d'attaques informatiques de portée mondiale suscite l'inquiétude des experts en sécurité. Le logiciel verrouille les fichiers des utilisateurs et les force à payer une somme d'argent sous forme de bitcoins pour en recouvrer l'usage : on l'appelle le «rançongiciel».
Plus de 75.000 attaques dans 99 pays
«Nous avons relevé plus de 75.000 attaques dans 99 pays», a noté vers 20h GMT Jakub Kroustek, de la firme de sécurité informatique Avast, sur un blog. Forcepoint Security Labs, autre entreprise de sécurité informatique, évoque de son côté «une campagne majeure de diffusion d'emails infectés», avec quelque cinq millions d'emails envoyés chaque heure répandant le logiciel malveillant appelé WCry, WannaCry, WanaCrypt0r, WannaCrypt ou Wana Decrypt0r.
Des organisations en Espagne, en Australie, en Belgique, en France, en Allemagne, en Italie et au Mexique ont également été touchées selon des analystes. Aux Etats-Unis, le géant de livraison de colis FedEx a reconnu avoir lui aussi été infecté.
Le ministère russe de l'Intérieur a également annoncé avoir été touché par un virus informatique vendredi, même s'il n'a pas été précisé s'il s'agit bien de la même attaque.
Renault et des hôpitaux britanniques touchés
Le constructeur autmobile français Renault a annoncé samedi avoir été victime de ces cyberattaques. «Une action est en place depuis hier (vendredi) soir. On fait le nécessaire pour contrer cette attaque», a précisé une porte-parole du groupe. Le constructeur a précisé que plusieurs de ses usines ont dû être mises à l'arrêt.
Ces attaques informatiques ont également touché le service public de santé britannique (NHS), bloquant les ordinateurs de nombreux hôpitaux du pays. «A ce stade, nous n'avons pas d'élément permettant de penser qu'il y a eu accès à des données de patients», a voulu rassurer la direction du service public de santé britannique. L'attaque a toutefois sérieusement désorganisé des dizaines d'hôpitaux, contraints d'annuler certains actes médicaux et de renvoyer des ambulances vers d'autres établissements.
Des images ont été partagées sur les réseaux sociaux avec des écrans d'ordinateurs du NHS demandant le paiement de trois cent dollars en bitcoins avec la mention : «Oups, vos dossiers ont été cryptés». Le paiement doit intervenir dans les trois jours, ou le prix double, et si l'argent n'est pas versé dans les sept jours les fichiers piratés seront effacés, précise le message.
Microsoft a publié un patch de sécurité il y a quelques mois pour réparer cette faille, mais de nombreux systèmes n'ont pas encore été mis à jour.
Selon la société Kaspersky, le logiciel malveillant a été publié en avril par le groupe de pirates «Shadow Brokers», qui affirme avoir découvert la faille informatique par la NSA. «Ce logiciel de rançon peut se répandre sans que qui que ce soit ouvre un email ou clique sur un lien. Contrairement à des virus normaux, ce virus se répand directement d'ordinateur à ordinateur sur des serveurs locaux, plutôt que par email», a précisé Lance Cottrell, directeur scientifique du groupe technologique américain Ntrepid.
Une astuce pour stopper le virus
Un chercheur en cybersécurité a indiqué à l'AFP avoir trouvé une parade pour ralentir la propagation du virus. Tweetant à partir de @Malwaretechblog, il a expliqué que «généralement un logiciel malveillant est relié à un nom de domaine qui n'est pas enregistré. En simplement enregistrant ce nom de domaine, on arrive à stopper sa propagation», a-t-il expliqué à l'AFP. Le chercheur a néanmoins insisté sur l'importance d'une mise à jour immédiate des systèmes informatiques car selon lui «la crise n'est pas terminée, ils peuvent encore changer de code et essayer à nouveau», a-t-il prévenu.
«Si la NSA avait discuté en privé de cette faille utilisée pour attaquer des hôpitaux quand ils l'ont "découverte", plutôt que quand elle leur a été volée, ça aurait pu être évité», a regretté sur Twitter Edward Snowden, l'ancien consultant de l'agence de sécurité américaine qui avait dévoilé l'ampleur de la surveillance de la NSA en 2013.
If @NSAGov had privately disclosed the flaw used to attack hospitals when they *found* it, not when they lost it, this may not have happened https://t.co/lhApAqB5j3
— Edward Snowden (@Snowden) 12 mai 2017