Gérard Collomb était l'invité de Jean-Pierre Elkabbach dans #LaMatinale sur CNEWS. Revenant sur sa démission, l'ancien ministre de l'Intérieur a critiqué les reformes d'Emmanuel Macron jugées trop «abstraites» et pas assez «concrètes».
Pour l'ancien ministre, «les mesures semblent aujourd'hui abstraites», voilà pourquoi Emmanuel Macron doit les rendre «plus concrètes pour les Français».
Gérard Collomb a par ailleurs minimisé lors de cette interview sur CNEWS les conséquences de sa démission, assurant que «ce n'est pas Gérard Collomb qui va ébranler les institutions de la Ve République», et que «dans trois jours, personne ne parlera plus» de son départ.
« Dans trois jours, personne n'en parlera plus »
Les institutions, «elles en ont vu d'autres, elles résistent à tout», a assuré l'ancien ministre de l'Intérieur.
«Le président et le Premier ministre sont en train de régler le problème (de ma succession)», a dit Gérard Collomb. «Dans trois jours, personne n'en parlera plus », a-t-il ajouté, tout en reconnaissant qu'il ne «pensait pas à vrai dire qu'il provoquerait ce choc-là».
L'intégralité de l'inteRview de Gérard Collomb
« Je ne pensais pas que mon départ provoquerait ce choc-là. Les rumeurs couraient depuis un certain temps. Je ne voulais pas que ma problématique personnelle déstabilise l'institution. Aujourd'hui le Premier ministre et le président sont en train de régler le problème. Dans trois jours personne n'en parlera plus.
Ca serait une crise grave si tout lien était coupé et si je disais que tout ce que j'avais aimé, je le brûlais. Je prends des positions fortes mais je continue à converser avec le président. Pour moi ce qui est important, c'est l'avenir de la France.
Je crois qu'il est sur une pente où il redresse les choses. Il s'aperçoit par exemple que sur un certain nombre de réformes, par exemple les retraites, il a bougé beaucoup depuis le début de la saison. Il est en train de rectifier un certain nombre de points.
Il y a beaucoup de gens qui annoncent dans les journaux qu'ils vont être candidats dans telle ou telle vie. Je pense qu'on doit la vérité aux Français et aux Lyonnais.
Moi je suis toujours à plein temps dans mes fonctions. A l'Intérieur, ceux qui travaillaient avec moi ont vu que je travaillais de manière extraordinaire, parce que je suis toujours à fond dans les dossiers que je traite. »
Qu'est-ce que vous dit Macron ?
« Gérard, j'ai encore besoin de toi, ne pars pas tout de suite". Moi je pensais que je l'affaiblissais en restant. Le lendemain, je décide de partir.
Il a une force de conviction assez forte. Lui-même a connu ce genre de situation. Quand il s'en va du ministère de l'Economie, il s'y reprend à deux fois. Ce n'est pas facile, vous avez de l'amitié pour quelqu'un mais vous pensez que vous devez prendre cette direction. »
Quand vous partez de l'Elysée que dites-vous ?
« Je dis que je fais une interview au Figaro. Peut-être que l'annonce a été faite un peu trop tôt. Il y avait déjà une période de doute. Puis le moment où se cristallise la décision. C'est une décision que l'on prend seul. »
Qu'est-ce qui vous a motivé ?
« eut-être le souvenir de la détresse des parents des filles tuées à Marseille. Grande dignité dans leur discours, grande détresse. Je ne veux pas que l'institution que je dirige soit abîmée pour des raisons personnelles. »
PM à l'assemblée dit que vous êtes pleinement dans vos fonctions. Pourquoi ?
« Je comprends qu'il (Edouard Philippe) ait été en difficulté, l'annonce ne devait sortir qu'à 18h. Je comprends que ça ait été un moment de grande solitude. Nous nous sommes expliqués, je lui ai dit les circonstances et je me suis excusé. Nous avons gardé des relations qui sont bonnes. Nous continuerons à travailler ensemble. La dernière phrase qu'il prononce "Gérard, nous nous reverrons à Lyon" «
A propos de la passation de pouvoir
« Je croise les bras parce que je l'attends et qu'on ne sait pas quand est-ce qu'il part. Il y a un faux départ depuis Matignon. Il ne faut pas croire toujours ce qu'il y a marqué dans les journaux. »
Phrases distillées dans les journaux
« On peut lui parler (Macron) mais à un moment donné il peut être agacé, mais il faut toujours lui parler. Le manque d'humilité c'était de manière générale. Il y a une nouvelle génération qui arrive au pouvoir, forte de ses convictions, moins à l'écoute que ce qu'elle aurait dû être, c'est normal que cela se passe comme ça. Ça se corrige avec le temps.
Je pense que c'est à force de ne rien dire et de ne pas porter les coups qu'on affaiblit. Les coups peuvent être dits dans le privé. J'avais l'habitude de porter les conversations privées avec le président de la République. Puis, vous pensez que pour faire bouger les lignes il faut dire une parole publique. Ça fait longtemps que j'ai des conversations de fond avec le président. On en avait déjà pendant la campagne.
On sait bien que sur un certain nombre de sujets, il y avait une accumulation de faits qui montraient qu'on n’était pas dans la bonne direction, sur le problème des retraites par exemple. Dans les collectivités locales, on voit bien qu'il y a un malaise avec l'Etat alors qu'on n’a jamais fait autant qu'aujourd'hui. Il faut essayer de résoudre tout cela. »
Votre démission ne respecte pas les institutions.
« Il y a eu des précédents déjà. Un des premiers ministres de De Gaulle, Boulloche avait démissionné comme moi. Ce qu'il y a de bien c'est que ces institutions résistent. »
Vous êtes passé de la ferveur, aux flèches. Qui vous a blessé ?
« On garde toujours avec Emmanuel Macron des relations de qualité. Nous avons cette capacité à dire un certain nombre de choses. Je crois que le plus précieux pour un dirigeant c'est d'avoir des gens autour de lui qui disent ce qui va et ce qui ne va pas. Ce sont les plus anciens et les plus fidèles qui peuvent dire un certain nombre de choses. Par exemple mon ami Richard Ferrand lui parle comme moi.
Vous avez une équipe historique et pleins de jeunes qui sont arrivés dans les cabinets, c'est normal. Ils sont d'une telle déférence, qu'ils essaient d'anticiper les désirs du président, mais ce ne sont pas sa volonté. »
Responsabilité ?
« Peut-être de ne pas avoir cette écoute. Ça fait trente ans qu'on dit que la présidence enferme. Il faut que les gens dehors soient les capteurs.
Vous verrez que nous aurons des rencontres plus tôt que vous le pensez. »
Le fait déclencheur : Benalla et intervention commission enquête parlementaire ?
« Les meetings c'était 15 000 personnes. Bien sûr que j'avais vu Benalla, j'ai toujours pensé que c'était un officier de police chargé de présider à la sécurité du président. Je ne les connais pas. »
Vous vous doutiez pas du rôle ?
« Il n’était même pas sur l'annuaire officiel. Personne ne me détaille qui est qui dans l'équipe du président. Je parle avec le président, Stroda, Kohler... »
Brigitte ?
« Nous sommes extrêmement liés et parlons souvent les mêmes points de vue. Les gens lui disent "Attention, Emmanuel doit plus écouter". Elle dit ce qu'elle a dans la tête. On s'appelle toujours Brigitte et Gérard. Elle m'appelle même "mon Gégé".
Vous verrez que c'est pas une rupture. Je pourrais beaucoup je pense lui apporter, essayer de retisser mes liens avec collègues.
Pourquoi voulez-vous que je lance des appels ? Les gens se battent pour être ministres, je ne veux plus l'être. »
Des manipulateurs ?
« Au ministère de l'Intérieur, 3000 personnes veulent devenir ministres.
J'ai pleins de SMS de préfets "on vous regrette", les gendarmes je les connaissais bien. En ayant envie que je m'en aille, ils déstabilisaient l'institution. A un moment donné, il faut protéger l'institution. »
Désaccords politiques ?
« Trois semaines avant, Macron m'avait donné un grand coup de main. Il m'avait donné 250 millions de plus de budget. On n’aurait pas pu faire les 10 000 policiers et gendarmes qu'il voulait. Là, ils vont dans les quartiers. »
Collomb et Hulot même chose ?
« Non il est parti avec beaucoup de critiques sur le gouvernement. Moi je dis que le gouvernement a fait les réformes importantes sur l'économie et le travail. Maintenant, il doit s'attaquer à d'autres problématiques. Les fractures qui traversent la France sont importantes notamment entre les villes et les campagnes et aussi dans les quartiers. »
A gauche, on vous accuse d'abandon de poste.
« Dans la lutte contre le terrorisme, on est présent jusqu'au bout. Quand j'allais remettre ma démission, il y avait une opération à Grande Synthe, pour arrêter une base du Hezbollah. La menace est toujours forte. Quand on regarde au sud de Turquie, en Libye. Oui la menace terroriste est forte à l'extérieur et aussi à l'intérieur avec les jeunes qui regardent la propagande de Daech sur les réseaux sociaux. »
Quelles qualités nécessaires pour l'Intérieur ?
« Beaucoup de travail, une grande polyvalence, vous traitez la police, gendarmerie, collectivités locales... il faut avoir une gamme vaste de qualités et de perceptions des différentes réalités.
Les policiers et les gendarmes sont des gens formidables. Ils vont au charbon là où personne n'y va plus. Ils vont dans des quartiers où ils savent qu'on peut leur tendre un guet-apens. Je les ai beaucoup aimés.
Ils ne m'en veulent pas. Les gardes de protection m'ont offert cette montre. Ils ont fait graver à mon nom la date où je suis parti. »
Situation effrayante des quartiers
« Ce constat partagé par un certain nombre de maire. Sevran, Aulnay, Echirolles, les maires sont d'opinions politiques différentes et ils font le même constat.
Nous sommes en train de reprendre ces quartiers en main. J'ai créé les quartiers de reconquête républicaine. Le maire communiste d'Echirolles dit "à un moment il faut envoyer les CRS en renfort", nous allons envoyer, euh mon successeur, je suis encore dans le jus. Il va envoyer les CRS pour rétablir l'ordre. J'ai vu de petites mémés remarquables installées dans les halls pour que les dealers ne viennent pas.
C'est à l'Etat et aux collectivités locales d'agir en partenariat. La police de sécurité du quotidien, c'est justement une police de partenariat. »
Vous n'avez pas choisi les Lyonnais au détriment des Français ?
« Non, l'agglomération lyonnaise est un exemple qu'on ne regarde plus assez. C'est un modèle de développement économique, d'équilibre social. Ce qu'on a fait à Lyon on peut le faire dans beaucoup de grandes villes. »
Quelle urgence de retourner à Lyon ?
« A un moment, une situation se présente. Au niveau national on a fait tout ce qu'on devait. La loi immigration, quartiers de reconquête, j'ai fait surgir de nouvelles générations de policiers. »
Sénateur aussi. Cumuler les deux rôles ?
« C'est aujourd'hui impossible d'être sénateur et membre d'un exécutif. »
Démissionner de sénateur ?
« Oui bien sûr. »
Vous avez placé l'un de vos proches à la présidence de la métropole de Lyon. Il avertit "je suis pas un intermittent". Voulez-vous récupérer la métropole ?
« Il restera président de la métropole en 2020 et même après. Selon le système monté, on ne peut pas être maire de Lyon et président de la métropole. D'une manière, on anticipe. Après je mènerai des listes car je pense être le plus connu. »
Vacarme de démission, polluer quinquennat Macron ?
« Crisis en grec, c'est le moment du jugement et du basculement, c'est le moment où on peut basculer du bon côté. Je veux que l'on bascule du bon côté ce quinquennat. Quand Macron se présentera à nouveau devant les électeurs, qu'on dise "oui il a fait changer le pays, que l'économie se développe, que les Français vivent plus heureux".
Chez moi, pas de rupture avec Macron, je lui demande d'aller dans un certain sens. Quand je l'ai rejoint, c'est parce qu'il me semblait incarner des idées et des idées que je défends depuis 20 ans. »
Que doit changer Macron ?
« Les mesures semblent abstraites, il doit les rendre concrètes pour les Français. Il doit dire "voilà ce que je fais". Les réformes se bousculent, on a plus le temps d'expliquer le sens des mesures, pourquoi ça va changer la vie de catégories de populations. Zéro charges au SMIC, ça donne de l'espérance d'emploi à des centaines de milliers de gens. »
Vous restez macroniste ?
« Bien sûr, je pense que c'est une nouvelle aventure. Le macronisme, c'est des gens de divers horizons qui se réunissent pour faire avancer la France.
Le charme n'est jamais rompu. S'il y a quelque chose dont ne manque pas le président, c'est le charme.
Il faut que le charme et le fond puissent s'enchaîner totalement pour ce renouveau de la France. Il peut y avoir des tâtonnements, c'est mieux que d'être dans des positions crispées. »