Les parents de Naomi Musenga, décédée fin décembre à Strasbourg après un appel au Samu traité avec mépris, ont réclamé vendredi l'ouverture d'une information judiciaire pour que les causes et les responsabilités dans sa mort soient dévoilées.
«J'implore madame le procureur (de Strasbourg, NDLR) pour que l'on entre dans le fond. Nous sommes démunis», a déclaré Honorine Musenga, la mère de Naomi, lors d'une conférence de presse à Illkirch-Graffenstaden, près de Strasbourg. «Je ne lâcherai pas», a-t-elle affirmé par la suite, avant de fondre en larmes.
Parallèlement à une enquête administrative confiée à l'Inspection des affaires sociales (Igas), le parquet de Strasbourg a ouvert début mai une enquête préliminaire, mais cette procédure ne permet pas à la famille ou à ses avocats d'accéder au dossier.
«Il est inacceptable que l'on reste sur ce schéma d'enquête préliminaire», qui est «un cauchemar», a insisté Me Jean-Christophe Coubris, l'un des avocats de la famille.
«Maintenant nous insistons pour que cette enquête préliminaire cesse, que des mises en examen soient prononcées et qu'une information judiciaire soit ouverte», a réclamé Me Mohamed Aachour, autre avocat de la famille.
«Nous avons la ferme intention de remonter la chaîne des responsabilités jusqu'au directeur général» des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), a-t-il ajouté.
Regrettant que la question du manque de moyens accordés à l'hôpital ne soit pas abordée, Me Aachour a insisté sur le fait que le rapport de l'Igas n'était qu'une «étape». «On ne me fera pas croire que l'hôpital n'était pas au courant des pratiques du Samu», a-t-il accusé.
Six mois après la mort le 29 décembre 2017 de Naomi Musenga, 22 ans, dont l'appel de détresse avait été raillé par une opératrice du Samu de Strasbourg, le rapport de l'Igas, publié mercredi, a pointé du doigt des dysfonctionnements. La démission du responsable du Samu de Strasbourg, présentée dès le mois de mai, a été acceptée, mais selon les avocats de la famille Musenga, il a surtout servi de «fusible».
Une procédure disciplinaire va également être engagée à l'encontre de l'assistante de régulation qui avait pris avec moquerie l'appel de la jeune femme et avait été suspendue début mai, ont indiqué les HUS.
Selon l'Igas, les dysfonctionnements soulevés ont entraîné «un retard global de prise en charge de près de 2h20» de la jeune mère d'un enfant de 18 mois, décédée finalement à l'hôpital plusieurs heures après son premier appel aux urgences.
Les inspecteurs de l'Igas n'avaient toutefois pas pour mission de déterminer les causes du décès, qui demeurent inconnues à ce jour. Une autopsie avait été pratiquée mais le corps présentait selon le rapport des signes de «putréfaction avancée».
«La justice doit continuer à faire son travail. (...) J'aimerais que des responsabilités à l'intérieur de l'hôpital soient assumées», a réclamé le père de Naomi, aux côtés de son épouse et de trois des frères et soeurs de la jeune femme.
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avait indiqué jeudi qu'il n'y aurait pas d'autres sanctions après le départ du responsable du Samu de Strasbourg.
«Si on ne fait pas l'effort de comprendre les causes de la mort de Naomi, il y aura d'autres jeunes qui mourront de la même façon, que la standardiste soit polie ou pas. Finalement si la standardiste n'avait pas été mal élevée, Naomi serait morte dans l'indifférence générale», a déclaré le Pr Christian Marescaux, aux côtés de la famille lors de la conférence de presse. Ce neurologue avait déjà dénoncé publiquement en 2014 des dysfonctionnements aux HUS dans la prise en charge des patients victimes d'AVC.