Une corde de pendu dans son garage, parce qu'il est Noir: Bubba Wallace, seul pilote afro-américain titulaire en Nascar, est aussi le visage du mouvement Black Lives Matter au sein de ce championnat automobile très populaire dans le Sud des Etats-Unis.
Dimanche, Wallace se préparait à prendre le départ d'une course qui lui est chère sur le circuit de Talladega, dans son Alabama natal, quand les orages en ont décidé autrement.
Mais c'est un autre aléa, bien plus fâcheux et menaçant, qui est venu définitivement lui gâcher sa journée, avec cette corde de pendu rappelant les lynchages pratiqués aux Etats-Unis, pendant les périodes esclavagiste et ségrégationniste.
De quoi choquer l'homme de 26 ans, «profondément attristé» par ce «méprisable acte de racisme». Et outrer la Nascar, «furieuse de cette démonstration de haine».
«Cela ne me brisera pas. Je ne renoncerai pas et je ne reculerai pas», a néanmoins prévenu Wallace, sorti d'un relatif anonymat ces dernières semaines en exprimant son indignation après la mort tragique de George Floyd, consécutivement à son interpellation à Minnepaolis le 25 mai.
Avant une course à Atlanta le 7 juin, il est ainsi apparu vêtu d'un t-shirt sur lequel était inscrit «Je ne peux pas respirer», en référence aux mots prononcés par la victime noire de 46 ans, asphyxiée pendant 8 minutes et 46 secondes par le genou d'un policier sur son cou.
Activisme tardif
Dans la foulée, Wallace a réclamé l'interdiction du drapeau confédéré lors des courses de Nascar. Et trois jours plus tard, l'instance dirigeante a fini par prendre cette mesure, cinq ans après avoir demandé en vain aux fans de ne plus exposer cette bannière.
«C’est un symbole de haine, et ça me rappelle tellement de mauvais souvenirs. Il n'y a rien de bon avec ce drapeau», a expliqué le pilote qui, quelques jours plus tard, a couru à Martinsville (Virginie) avec sa Chevrolet dont le capot était orné d'une poignée de mains noire et blanche.
Ainsi, Bubba Wallace - seul pilote noir d'un championnat où tout le monde ou presque est blanc, coureurs, propriétaires, personnels, fans - a-t-il saisi le bon moment, et la gravité de l'instant, pour promouvoir le mouvement «Black Lives Matter» et «tenter de changer les choses».
Son activisme ne s'est pourtant pas imposé à lui immédiatement, comme il l'a confié au New York Times. «Au début de ma carrière, il n'était pas question de couleur pour moi et je n'ai jamais pensé être traité différemment, parce que j'étais noir. J'étais bien trop jeune pour comprendre ce qu'était un pionnier ou un précurseur.»
Avant qu'il ne gagne un volant en 2017, il n'y avait plus eu de pilote noir depuis onze ans dans la catégorie. Et il n'y en a eu qu'une poignée après Wendell Scott, le premier à courir en Nascar (1961-1973) et le seul à y avoir décroché une victoire, en 1963 à Jacksonville (Floride).
«Montagnes russes»
Né à Mobile en 1993, Darren Wallace Jr, fils d'un père blanc et d'une mère noire, a commencé la compétition à neuf ans avec des courses de Bandolero, dans des voitures pouvant rouler à 110 km/h.
A 16 ans, il a intégré le programme «Drive for Diversity» de la Nascar, qui offre des opportunités aux pilotes issus des minorités, et s'est frayé un chemin jusqu'en élite, au sein de l'écurie du légendaire Richard Petty. Non sans encaisser sur le chemin des insultes racistes.
Floqué du N.43, il a terminé deuxième du prestigieux Daytona 500 en 2018. Son meilleur résultat à ce jour.
Pour décrire sa personnalité, son directeur d'équipe, Philippe Lopez, évoque poliment des «montagnes russes»: «Parfois, les bas deviennent trop bas, mais quand les choses vont bien, son enthousiasme est juste contagieux».
La dépression c'est l'autre combat mené par Bubba Wallace, qui s'en est ouvert l'an passé. «Depuis des semaines, on me remercie d'en avoir parlé, d'avoir aidé tant de gens.»
Lundi à Talladega, la course a eu lieu, Bubba a terminé 14e, à la limite de la panne d'essence. Mais le plus important s'est déroulé juste avant, quand les autres pilotes ont poussé sa Chevrolet vers la ligne de départ et se sont massés derrière lui en signe de soutien. Quelques larmes ont coulé, comme pour une première victoire.