L'Allemagne a retrouvé samedi son football, la France ses plages: la levée des restrictions se poursuit dans un monde paralysé par le coronavirus, qui a fait plus de 307.000 morts et provoque une récession inédite.
La Bundesliga devait devenir samedi la première ligue majeure de football à retrouver les stades après des semaines de confinement. L'enjeu est d'importance pour les autres grandes nations du ballon rond qui suivront avec attention ce retour sur les terrains, à huis clos.
Le coup d'envoi des premiers matches est prévu à 15H30 (13H30 GMT) dans cinq stades, vides de tout spectateur.
«Le monde entier regarde maintenant vers nous», a souligné l'entraîneur du Bayern Munich, Hansi Flick, espérant qu'un succès soit «un signal pour toutes les autres ligues».
Quatre rencontres de deuxième division ont donné le ton en début d'après-midi: pas de poignées de main, pas d'enfants pour accompagner les joueurs, pas de vivats.
Première destination touristique d'Europe, la France a pour sa part rouvert samedi plusieurs sites emblématiques, tels que le Mont Saint-Michel, la cathédrale de Chartres ou encore le Sanctuaire de Lourdes.
Mais leur accès est réservé aux visiteurs locaux: dans ce pays où la pandémie a fait plus de 27.500 morts, les déplacements restent limités à un rayon de 100km autour du domicile.
Frontières rouvertes
Pour leur premier week-end déconfiné, des milliers de Parisiens ont ainsi pris la route pour aller s'aérer dans les forêts bordant l'Ile de France, après deux mois cloîtrés chez eux. «La nature m'a vraiment manqué», confie Lise Balmes, médecin hospitalière de 55 ans.
De nombreuses plages françaises ont été autorisées à rouvrir. Mais pas question d'y bronzer ou d'y pique-niquer: elles sont réservées à un usage «dynamique», sans activités collectives.
La Grèce a de son côté rouvert ses plages privées mais à condition là aussi de respecter des règles strictes, dont l'interdiction de poser son parasol à moins de quatre mètres de son voisin. Les plages publiques avaient rouvert le 4 mai.
Troisième pays le plus endeuillé au monde (plus de 31.600 morts) et elle aussi très dépendante du tourisme, l'Italie espère également un retour des estivants.
La Basilique Saint-Pierre, au Vatican, doit rouvrir dès lundi et Rome a annoncé samedi rouvrir ses frontières à partir du 3 juin pour les touristes de l'UE, sans période de quarantaine.
«On a encore peur»
Sous forte pression pour en faire autant, l'Allemagne n'envisage pas de telle mesure avant le 15 juin. Elle a cependant rouvert samedi sa frontière avec le Luxembourg, et légèrement assoupli les conditions de passage avec l'Autriche et la Suisse.
A la frontière germano-suisse de Constance, la réouverture partielle a été célébrée par plusieurs centaines de personnes, dont des élus qui ont trinqué devant les caméras.
En Afrique, les habitants d'Abidjan ont pu eux retrouver leurs célèbres «maquis», ces bars-restaurants populaires. Mais dans une ambiance en demi-teinte. «On a encore peur de la maladie», explique Hymia Solange Ouattara, venue s'amuser vendredi soir Chez Gnawa, dans un quartier animé de capitale ivoirienne.
Le virus, qui selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) pourrait «ne jamais disparaître», continue sa course mortelle. Et dans plusieurs pays, l'heure n'est pas à la fête.
Au Chili, la capitale Santiago s'est réveillée samedi en confinement total, une mesure ordonnée par le gouvernement après un bond des contaminations et un doublement du nombre de morts quotidiens en deux jours.
Lits partagés
En Inde, la pandémie submerge le système de santé de Bombay, le poumon économique du pays: des corps traînent dans les chambres d'hôpitaux et certains patients doivent partager leur lit. «Le système est sous une pression énorme, il est en train d'exploser», constate Deepak Baid, un médecin.
L'impact économique de la pandémie est colossal. Selon l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), le commerce mondial devrait enregistrer «des baisses à deux chiffres» en volume dans presque toutes les régions du monde.
L'effet est particulièrement dévastateur dans le domaine aérien. La compagnie Air Canada a à son tour annoncé vendredi soir le licenciement de plus de la moitié de ses quelque 38.000 salariés.
Aux Etats-Unis, pays le plus touché avec plus de 87.500 morts, le chômage affecte près de 15% de la population active, un record.
La Chambre des représentants a voté vendredi un plan d'aide historique de 3.000 milliards de dollars pour lutter contre les ravages économiques de l'épidémie. Mais le président Donald Trump a déclaré "mort-né" ce texte présenté par les démocrates.
«Réponse multilatérale»
Il a par ailleurs de nouveau prédit vendredi l'arrivée d'un vaccin avant la fin de l'année, «peut-être avant».
Un optimisme douché par la ministre française de la Recherche, Frédérique Vidal. On peut «espérer un vaccin à l'horizon de 18 mois, mais ça n'est pas raisonnable de penser qu'on puisse aller plus vite que ça, sauf à mettre en danger la sécurité des gens", a-t-elle estimé samedi.
L'agence européenne du Médicament avait évoqué jeudi un délai d'un an, selon un scénario «optimiste».
Plus de cent projets ont été lancés dans le monde et une dizaine d'essais cliniques sont en cours, dont cinq en Chine, pour tenter de trouver un remède contre le Covid-19.
Les 194 Etats membres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) doivent se réunir à distance lundi pour tenter de coordonner leur réponse à la pandémie, un rendez-vous toutefois sous la menace d'une confrontation directe entre Washington et Pékin.
Dans une tribune publiée vendredi, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a appelé Pékin et l'UE à renforcer «confiance, transparence et réciprocité». «Nous avons clairement besoin d'une réponse multilatérale dans toutes les dimensions de la crise», a-t-il insisté.