Prouver au monde que la nourriture de la région de Fukushima est saine malgré la catastrophe nucléaire de 2011, c'est le but du gouvernement japonais depuis des années. Mais va-t-on servir des mets de la région durant les JO l'an prochain ?
Cette question n'est pas tranchée pour le Japon, qui voit dans les Jeux Olympiques de Tokyo l'occasion d'afficher la renaissance du Nord-Est du pays affecté par le tsunami et la catastrophe nucléaire de mars 2011.
Les aliments qui seront fournis au village olympique et servis aux athlètes doivent respecter, quelle que soit leur région d'origine, des normes précises.
«La région de Fukushima a proposé des aliments émanant de 187 fournisseurs et se place en deuxième position des provinces en nombre de produits remplissant les critères, après la région septentrionale de Hokkaido», explique Shigeyuki Honma, directeur adjoint de la division de l'agriculture et des forêts pour la préfecture de Fukushima.
Concrètement, «Fukushima souhaite servir aux athlètes son riz, ses fruits (pêches, poires, pommes, fraises), du boeuf et des légumes. Mais le Comité (international olympique) doit encore décider», indique M. Honma.
Le gouvernement japonais impose une sévère limite de 100 becquerels par kilogramme (Bq/kg), bien en-deçà des normes habituelles dans l'Union européenne, de 1.250 Bq/kg, et aux Etats-Unis, de 1.200 Bq/kg.
Menace sud-coréenne
Selon les chiffres officiels, sur la seule année d'avril 2018 à mars dernier, 9,21 millions de sacs de riz ont été contrôlés, pas un seul dépassant les strictes normes de présence de césium radioactif. Idem pour 2.455 échantillons de fruits et légumes, 4.336 morceaux de viande et 6.187 poissons de mer.
Finalement, «seuls des poissons de rivière et champignons sauvages ont à 6 reprises en tout dépassé la norme», assure Kenji Kusano, directeur du Centre technologique agricole de la préfecture de Fukushima, situé à Koriyama.
Ce lieu a été désigné par le gouvernement comme le site principal de contrôle des produits alimentaires de la région.
Derrière les chiffres, la défiance de nombre de pays demeure.
La Chine, la Corée du Sud, Singapour, les Etats-Unis continuent d'interdire l'importation de tout ou partie des aliments originaires de la province de Fukushima.
La Corée du Sud, dont les relations avec le Japon sont au plus mal en raison de conflits historiques, a par anticipation protesté contre la possibilité de menus conçus à partir de produits de Fukushima pour les athlètes lors des JO.
Séoul étudie la possibilité d'effectuer des contrôles et même d'apporter ses propres aliments pour nourrir ses équipes sportives.
L'une des raisons de la défiance est que les contrôles sont faits sur ordre du gouvernement, qui a choisi l'organisme pour les conduire, souligne M. Kusano.
Même si les appareils de mesure sont contrôlés par l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA), aucune structure indépendante ne vient certifier les tests eux-mêmes.
«Généralement, les citoyens japonais font confiance au gouvernement et nous n'avons pas vu la nécessité de contrôles par des tiers indépendants. Mais je me rends compte avec votre question que c'est peut-être important du point de vue des étrangers», a répondu à l'AFP M. Kusano.
Bout du tunnel
Le Comité international Olympique (CIO) indique que la réflexion continue.
«Les menus et fournisseurs pour le village olympique sont en cours de discussions et rien n'est décidé. Comme pour les précédents jeux, le CIO travaille avec le Comité d'organisation et des nutritionnistes internationaux pour proposer des nourritures variées répondant aux différents besoins diététiques et culturels», se contente de répondre un porte-parole du CIO.
«L'une de nos stratégies est de soutenir la reconstruction de la région en achetant ses produits alimentaires. Nous envisageons donc sérieusement de le faire», a de son côté indiqué le comité Tokyo 2020, arguant que «le Japon a adopté un système de contrôle plus prudent encore que les normes internationales».
En attendant que quelqu'un décide officiellement quelque chose, les agriculteurs et pêcheurs de la région patientent tant bien que mal.
Certains, comme le cultivateur de poires japonaises «nashi» Tomio Kusano à Iwaki, après 8 ans et demi, voient le bout du tunnel: sa production se vend bien au Japon, et le Vietnam lui en achète.
Mais les pêcheurs de la même région, eux, souffrent encore, faute d'avoir reconstitué leurs forces d'autrefois (main-d'oeuvre, matériel): «ils ne sont pas assez nombreux et les quantités de poissons prises ne représentent encore que 15% du total d'avant l'accident», indique Kyoichi Kamiyama, directeur du département radioactivité du Centre de recherche de la pêche et des milieux marins de la préfecture de Fukushima.