Le hacker portugais Rui Pinto, principal artisan des Football Leaks, révélations fracassantes sur les dessous du football-business, a été extradé jeudi par la Hongrie et devait arriver dans la soirée à Lisbonne où la justice le réclame.
Présenté par ses avocats comme un «très important lanceur d'alerte européen» grâce auquel les parquets de plusieurs pays ont ouvert des enquêtes sur les malversations présumées dans le football, cet autodidacte âgé de 30 ans est accusé par le Portugal de tentative d'extorsion aggravée et de vol de données.
«L'information dont nous disposons est que son arrivée est prévue aujourd'hui en fin d'après-midi», a indiqué à l'AFP un porte-parole du ministère public. Un vol Budapest-Lisbonne de la compagnie portugaise TAP est attendu à 19h10 GMT.
A son arrivée à l'aéroport de Lisbonne, le jeune homme devait être transporté vers les locaux de la police judiciaire avant d'être entendu sous 48 heures par un juge d'instruction qui devrait le placer sous contrôle judiciaire.
Accusé de vol de données et de chantage
Rui Pinto, résidant à Budapest depuis 2015, avait tenté de s'opposer à son extradition mais la justice hongroise l'avait acceptée, en appel, le 14 mars.
Le parquet portugais l'accuse d'avoir volé des données, y compris à l'Etat portugais, et surtout d'avoir procédé à des tentatives de chantage, avant de faire ses révélations, notamment auprès du fonds d'investissement maltais Doyen, impliqué dans des transferts de joueurs.
Il encourt une peine pouvant atteindre dix ans de prison.
Le hacker, qui utilisait le pseudonyme de «John», avait depuis 2015 piraté des millions de fichiers dans le but, selon lui, de dévoiler les coulisses d'une industrie du football «malhonnête».
A partir de 2016, il a confié ces documents à un consortium de médias européens, European Investigative Collaborations, qui ont révélé fin 2016 et en novembre dernier des mécanismes d'évasion fiscale, des soupçons de fraude et de corruption mettant en cause joueurs vedettes et dirigeants de clubs.
Parmi les nombreux dossiers qui lui sont imputables : les ennuis fiscaux de Cristiano Ronaldo liés à son passage au Real Madrid, l'affaire du fichage ethnique au PSG ou encore celle de la tolérance accordée par l'UEFA aux entorses présumées du PSG et de Manchester City au fair-play financier.
Ces révélations ont conduit à l'ouverture de procédures judiciaires en France, en Belgique et en Suisse.
Le Parquet national financier français (PNF), avec qui Rui Pinto a engagé une collaboration fin 2018, a notamment estimé que le hacker avait permis des «développements majeurs» dans les enquêtes pour fraude fiscale qu'il a ouvertes.
Football Leaks reste à ce jour la plus importante fuite d'informations sur les coulisses du ballon rond.
Menaces de mort
Lors de son procès en Hongrie, Rui Pinto avait accusé le Portugal de chercher à le faire taire et à entraver les enquêtes en l'empêchant de fournir de nouveaux documents aux autorités judiciaires de plusieurs pays européens.
«Je n'ai aucune confiance dans les autorités portugaises, elles ont une approche biaisée en matière de football», avait-il affirmé. «Il est de leur intérêt que quelque chose de fâcheux m'arrive, directement ou indirectement».
Le pirate avait assuré avoir fait l'objet de «nombreuses menaces de mort» mais le tribunal de Budapest a estimé que sa «sécurité personnelle» était «garantie» au Portugal.
Fin janvier, son avocat français, William Bourdon, avait jugé «inconcevable» que les parquets européens «soient privés de ses témoignages et de l’accès aux données considérables saisies à Budapest» lors de son arrestation.
«Il y a des millions d'euros que les autorités européennes pourraient recouvrer» grâce à des sanctions financières contre les personnes incriminées dans les Football Leaks, avait estimé le hacker à Budapest en marge de l'audience. «Neuf ou dix autres pays sont avec moi, sauf le Portugal», avait-il ajouté.