Gueule d'ange, image de gendre idéal et tout frais recordman du monde du décathlon, Kevin Mayer paraît destiné à devenir la tête d'affiche de l'athlétisme français, aux tauliers vieillissants.
Renaud Lavillenie fête ses 32 ans mardi, Mahiedine Mekhissi a 33 ans, Mélina Robert-Michon 39 ans, Yohann Diniz 40 ans... Tous ces pourvoyeurs historiques de médailles pour l'«athlé» bleu-blanc-rouge, encore performants, approchent néanmoins de la fin de leur carrière au plus haut niveau. Âgé de 26 ans, Kevin Mayer, vice-champion olympique 2016, champion du monde 2017 et désormais recordman du monde du décathlon (9.126 points) possède une avance abyssale sur la concurrence et s'impose comme une valeur très sûre de l'athlétisme, probablement pour quelques années.
«Il fait déjà partie des locomotives» depuis les Jeux olympiques de Rio-2016, juge pour l'AFP le directeur technique national Patrice Gergès. «Il avait déjà enclenché cette dynamique, cette ferveur, ce côté jeune qui est intéressant», ajoute le DTN, qui ne le voit pas comme le seul atout de l'athlétisme tricolore pour les années à venir, citant notamment le champion du monde du 800 m Pierre-Ambroise Bosse. Le hurdler Pascal Martinot-Lagarde, récent champion d'Europe, et le sprinteur Jimmy Vicaut, co-recordman d'Europe du 100 m, appartiennent à cette génération. Comme Bosse, ils ont 26 ans. Mais comme Bosse, ils ne détiennent pas le record du monde.
«Il cumule les qualités»
M. Gergès se projette encore plus loin : «On peut être quasiment certains que Kevin Mayer et Pierre-Ambroise Bosse ont le regard tourné vers les Jeux de Paris-2024 (...) Je ne sais pas s'il ira jusqu'aux Jeux, il suivra son corps. Mais il sera obligatoirement dans l'équipe, qu'il soit athlète ou pas.»
Au-delà du seul athlétisme, le comité d'organisation de Paris-2024 a d'ailleurs salué dimanche le record de Mayer comme «l'un des plus beaux exploits du sport français» sur son compte Twitter. En plus de représenter un moteur sportif, Mayer possède de quoi faire rêver de nombreux publicitaires pour devenir l'image de son sport, lui qui se veut déjà volontiers l'ambassadeur des épreuves combinées. «Il est presque trop parfait !», plaisante aurpès de l'AFP Gary Tribou, professeur de marketing du sport à l'université de Strasbourg. «Sympa, beau gosse, baraqué (1,86 m pour 82 kg), très accessible, il cumule les qualités. Et il se débrouille plutôt bien devant un micro, ce qui est assez rare», ajoute-t-il. «Kéké» est déjà très actif sur les réseaux sociaux, notamment Facebook (135.000 abonnés à sa page), Twitter (170.000) et Instagram (152.000).
«Le Tony Parker de l'athlétisme»
«Ce que je trouve très intéressant, c'est qu'il peut parler à plein de gens», note pour l'AFP Christopher Hautbois, maître de conférences à l'université Paris-Sud, spécialiste du marketing sportif. «Il a le visage du gendre idéal, du petit-fils idéal, mais aussi du fils idéal. Il ne manque pas une occasion, et je pense que c'est vraiment sincère, de remercier l'éducation qu'il a reçue», détaille-t-il. «En tant que partenaire, on a le sentiment qu'on ne prend pas de risque avec lui, c'est un garçon qui semble simple, bien élevé, épanoui, qui n'a pas de déclaration tapageuse, et en même temps qui a du caractère juste ce qu'il faut, comme on s'attend à ce que ce soit le cas pour un champion».
Selon M. Hautbois, ce «joyau», à ne pas surexposer, peut devenir «le Teddy Riner, le Tony Parker de l'athlétisme». Et la fédération française ne s'en privera pas, notamment pour promouvoir certaines valeurs auprès des plus jeunes. «Kevin est exactement le profil d'athlète qui va bien avec la politique fédérale, à savoir qu'il est important pour construire des jeunes athlètes qu'ils goûtent à des épreuves différentes, ce que permettent les épreuves combinées», éclaire Patrice Gergès, mettant en avant l'«humilité» qu'implique la discipline.