Rajeunie et remplumée, la natation française, en perte de vitesse depuis la vague de départs de sa génération dorée, veut reprendre sa marche en avant aux Championnats d'Europe, à partir de vendredi à Glasgow. Charlotte Bonnet, son atout N.1, ambitionne elle de coiffer sa première couronne en grand bassin.
A Budapest l'été dernier, une délégation tricolore de poche - neuf nageurs, aucun relais - n'avait récolté que deux médailles, grâce à Mehdy Metella et Camille Lacourt, désormais retraité, aux Mondiaux-2017. Un bilan certes attendu, mais qui attestait de la fin d'un âge d'or de la natation tricolore.
Un an plus tard, trente nageurs (12 nageuses et 18 nageurs) représentent l'équipe de France en Ecosse, qui accueille les Championnats européens, 1re édition de Championnats d'Europe multisports comprenant également aviron, cyclisme, golf, triathlon, gymnastique et athlétisme (disputée pour cette dernière à Berlin).
Moyenne d'âge de l'équipe tricolore : moins de 23 ans - même en prenant en compte le néo-trentenaire Jérémy Stravius, en lice sur 50 m dos dès vendredi. Près de la moitié d'entre eux (14) disputent leur premier championnat international en grand bassin. Avec un objectif de six à dix médailles et, surtout, vue sur Tokyo-2020.
«C'est important qu'ils comprennent que ce n'est pas uniquement l'aboutissement d'une saison, mais le point de départ d'une aventure, une étape pour apprendre, pour avancer, pour aller chercher la qualification olympique dans deux ans, et surtout, performer aux JO», explique l'entraîneur marseillais Julien Jacquier.
«Elite plus bienveillante»
Un état d'esprit intégré par Marie Wattel, de retour en forme après des JO-2016 sans relief et qui rêve de podium sur 100 m papillon à 21 ans.
«On n'est pas encore à l'apogée de nos performances, on est en construction. L'important, c'est de poser une première pierre lors de ces championnats, et qu'aux Mondiaux (à Gwangju, en Corée du Sud) l'année prochaine ça s'améliore, pour être encore plus fort aux Jeux», projette celle qui s'entraîne à Loughborough, en Angleterre.
Richard Martinez, le directeur de la natation course, voit même encore plus loin.
«Bien sûr, on a Tokyo pour objectif, mais en point de mire, ce sont les Jeux de Paris (en 2024) qui nous mobilisent. Les athlètes, je suis persuadé que c'est ce qui les anime», estime-t-il, particulièrement attentif à la dynamique dégagée par cette équipe de France nouvelle version.
«Le groupe est assez solidaire, souligne-t-il. Quand il y a moins de stars, il y a peut-être plus de place pour les nouveaux, c'est plus facile de prendre la parole et d'être soi-même. L'élite est peut-être un peu plus bienveillante que par le passé.» «On est plus rassemblé», confirme Stravius, le capitaine des Bleus, inspiré par l'équipe de France de football fraîchement sacrée championne du monde. «On ne sent personne à l'écart», abonde Bonnet.
Bonnet pour concrétiser
Grande habituée des sélections en équipe de France - elle a connu sa première à seize ans - la Niçoise aspire, à 23 ans, à se parer d'or pour la première fois dans un championnat international en grand bassin, huit mois après son sacre continental sur 200 m en petit bain à Copenhague.
«Avoir fait ça cet hiver me donne envie de le rééditer cet été», affirme sans détour celle qui a mis, avec un succès immédiat, l'accent sur la vitesse à l'entraînement depuis septembre. Au point de se présenter à Glasgow avec la meilleure performance européenne de l'année sur 200 m (1:55.53), la seule nageuse continentale passée sous la barre des 1 min 56 sec cette saison. Au point aussi d'envisager un podium sur 100 m.
Sur la distance reine, en pulvérisant le record de France (52.74) fin mai, Bonnet s'est propulsée au deuxième rang des bilans européens de 2018, deux centièmes derrière la Danoise Pernille Blume mais trois centièmes devant la détentrice du record du monde (51.71), la Suédoise Sarah Sjöström.
«C'est vrai que j'ai réussi une année quasi parfaite pour l'instant», convient-elle. Reste à gérer pour l'élève de Fabrice Pellerin un statut inédit de favorite.
Au vu de sa saison difficile, écourtée notamment par des problèmes physiques (cheville, épaule), Metella, qui s'était révélé il y a un an en montant sur le podium mondial du 100 m (bronze), a lui des ambitions modérées.
«L'année dernière, tout s'enchaînait assez facilement. Cette année, c'est un peu l'inverse», résume Jacquier. «Il n'y a pas d'objectif précis ni de temps ni de place, mais une motivation : battre le plus de personnes possible, et s'amuser.»