La victoire des Bleus au Mondial de football pourrait favoriser la confiance et la consommation en France au cours des prochaines semaines. Mais de là à espérer un effet sur la croissance, il y a un pas... et plutôt grand.
«Dans l'économie, il y a une part d'irrationnel qui tient à la confiance en soi, qui tient à l'envie, qui tient à l'enthousiasme», a insisté la semaine dernière le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, interrogé sur la chaîne France 2.
«C'est tout ce que nous apporte cette Coupe du monde» : «ça donne de la confiance en soi aux Français», a ajouté le locataire de Bercy, assurant qu'une victoire des Bleus en Russie serait «bonne» pour la croissance.
Quel sera l'impact exact des exploits de Griezmann, Mbappé et consorts sur l'économie tricolore ? Difficile, pour les économistes, de quantifier les retombées économiques de la victoire, tant les effets d'un succès en Coupe du monde sont en réalité marginaux.
Selon Ludovic Subran, chef économiste de l'assureur crédit Euler Hermes, la victoire de la France pourrait apporter 0,2 point de consommation supplémentaire à l'Hexagone et doper la croissance -- attendue par l'Insee à 1,7% -- de 0,1 point.
En cause : des effets cumulés sur la consommation durant les cinq semaines de la Coupe du Monde, mais aussi sur le «moral des ménages», susceptibles de favoriser à court terme des achats ou des investissements jusque-là imprévus.
Un scénario jugé optimiste par Denis Ferrand, directeur de l'institut COE-Rexecode. «Au niveau microéconomique, il peut y avoir un impact. Mais l'effet macroéconomique est infinitésimal», assure à l'AFP le chercheur.
«Le pouvoir d'achat des Français n'a pas augmenté»
Ventes de téléviseurs, livraisons de pizzas, sites de paris sportifs, cafés et restaurants... Plusieurs secteurs d'activité ont ainsi bénéficié depuis le début de l'été d'un «effet Coupe du monde».
Mais cette dynamique, selon les économistes, devrait être contre-balancée par de moins bons résultats dans d'autres domaines. «Le pouvoir d'achat des Français n'a pas augmenté. On est donc sur un phénomène de substitution», juge M. Ferrand.
Une analyse partagée par Pierre Rondeau, professeur à la Sports Management School. «Ce que nous allons consommer pendant l'été ne le sera pas plus tard. Au final, c'est un jeu à somme nulle», analyse pour l'AFP l'économiste, en évoquant une part de «fantasme».
Dans une étude réalisée à l'occasion du Mondial de 2006, la banque néerlandaise ABN Amro avait observé que la plupart des pays vainqueurs de la Coupe du monde, depuis 1970, avaient vu leur croissance augmenter l'année de leur succès.
«Lorsqu'un pays attire l'attention, cela facilite l'établissement de relations commerciales et d'investissement avec d'autres pays et le football peut bien aider à établir de tels contacts», avaient argumenté les auteurs de l'étude.
Difficile, cependant, d'établir des liens de cause à effet entre les victoires sportives et les résultats enregistrés sur le front économique, qui dépendent d'une multitude de facteurs, souvent complexes.
«C'est le principal point faible de cette étude», souligne Pierre Rondeau. «On laisse croire qu'il y a un lien de causalité entre les résultats sportifs et la croissance, alors qu'il n'y a qu'une simple corrélation», ajoute-t-il.
En 1998, année de la première victoire des Bleus en Coupe du Monde, souvent prise en exemple, la France avait ainsi enregistré une croissance économique de 3,6%, contre 2,3% l'année précédente, avec une consommation en hausse de 2,6% au 3e trimestre.
«Mais on était dans un cas de figure très différent», souligne Denis Ferrand. «D'abord parce que la Coupe du monde était organisée en France, et ensuite parce que la conjoncture était très favorable, avec un prix du pétrole exceptionnellement bas».
«En réalité, la plupart des économistes le reconnaissent : "l'effet Coupe du monde est un mythe"», conclut Pierre Rondeau. «Il y a un effet sur le bonheur, c'est évident. Mais le bonheur ne fait pas la croissance et ne résoud pas le chômage».