A quelques jours de la Coupe du monde, on devrait tous enfiler maillots bleus, écharpes tricolores et hurler «Allez la France». Mais comme j’ai pu le dire à Paul Pogba, les journalistes ne sont pas là pour ça.
Ils ne sont pas là, non plus, pour appuyer exagérément sur tout ce qui ne va pas, mais pour dire les choses objectivement et avec franchise. J’avoue avoir été particulièrement agacé par les commentaires après le premier match de préparation entre la France et l’Irlande (2-0). Déjà que le match m’avait mis d’assez mauvaise humeur. En effet, comment peut-on tirer le moindre enseignement valable, mis à part la condition physique de nos latéraux, Djibril Sidibé et Benjamin Mendy, face à une opposition aussi lamentable ? A la mi-temps, cette équipe irlandaise, composée de joueurs de deuxième et de troisième division avait 14% de possession de balle : grotesque.
Mais de ça, la plupart des observateurs s’en moquent comme de leur dernière analyse. Il faut coûte que coûte trouver des enseignements de chaque match. Remettre tout en cause à chaque fois. Corentin Tolisso a fait un bon match. Allez hop, Pogba sur le banc. Olivier Giroud a égalé Zinédine Zidane en marquant son 31e but en Bleu. Allez hop, titulaire incontournable en attaque. Alors qu’on a joué contre une Irlande en reconstruction ou en démolition.
Après on s’étonne que l’équipe de France cherche encore un style et même un dispositif tactique de base. Tout est flou encore. Deux ou trois milieux ? Un ou deux en pointe ? Il n’y a qu’en défense ou il n’y a, sauf blessure, aucun suspense. On va jouer avec Hugo Lloris, Djibril Sidibé, Raphaël Varane, Samuel Umtiti et Benjamin Mendy. Au milieu, quel que soit le dispositif, N’Golo Kanté est indiscutable. Après ? Mystère. Tolisso est toujours bon avec les Bleus et Blaise Matuidi est une valeur sûre. Reste à trouver une place à Pogba. A droite ou à gauche, le Mancunien a plus de talents que ses concurrents, mais il offre moins de garanties sur le plan défensif et/ou niveau de la régularité.
Et puis, il y a l’attaque et un paradoxe. Le meilleur joueur des Bleus, qui est Antoine Griezmann, est le plus difficile à intégrer dans un dispositif. Joueur tellement atypique de par son style et son positionnement. Absolument intouchable évidemment, Didier Deschamps devra trouver la meilleure formule autour de lui. Le problème, c’est qu’à deux semaines du début du tournoi, il cherche encore, ce qu’on a le droit de trouver ça un rien anormal. La vox populi, et même un peu plus, réclame un duo Griezmann-Mbappé, mais le sélectionneur semble rechigner à faire plaisir. De toute manière, si c’était son but, de faire plaisir, ça se saurait.
le cas olivier giroud à régler
Et puis, il y a le cas Giroud, qui vient donc d’égaler le nombre de buts inscrits en sélection par Zizou. Après la rencontre, j’ai dit qu’il fallait comparer contre quelle opposition les deux joueurs avaient marqué, ce qui m’avait fait passer pour un odieux anti-Giroud, alors qu’il suffit de comparer. Giroud, on le connaît et on ne peut que respecter sa carrière internationale. Maintenant, on a également le droit de s’interroger sur son réel rendement lorsque le niveau en face augmente significativement. Evidemment, il va marquer deux buts contre l’Australie et son efficacité sera capitale lors du premier tour. Mais, après, ne sera-t-il trop tard pour aligner Griezmann et Mbappé sans le moindre automatisme ?
On fait grâce de la polémique Adrien Rabiot et de l’éternel non-retour de Karim Benzema, auquel Noël Le Graët a répondu en disant que c’était «trop tard» parce que la France avait désormais «un style de jeu». Si c’était de l’humour, c’est réussi. L’équipe de France n’a aucun projet de jeu. Elle avance avec beaucoup d’incertitudes vers le mondial. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne va pas réussir. Pour ma part une place en demi-finale serait un merveilleux résultat. Il nous reste plus qu’à espérer que Deschamps fasse les bons choix. Et déjà qu’il en fasse.