Un an et demi après touché le fond, Jérémy Chardy est pour la première fois en quarts de finale d'un tournoi du Grand Chelem à l'Open d'Australie, où il joue le meilleur tennis de sa carrière sous les yeux d'une supportrice de luxe, Serena Williams.
Vainqueur à Wimbledon chez les juniors en 2005, huitième de finaliste à Roland-Garros trois ans plus tard avec un dossard de 145e mondial, "Jim" était parti sur des bases élevées avant de subir un coup de frein dont il commence tout juste à se remettre, à l'âge de 25 ans.
Avril 2011, le Palois, blanc comme un linge et les larmes aux yeux, convoque une conférence de presse à Monte-Carlo, où il vient de nouveau de perdre, pour rendre public le litige qui l'oppose à Frédéric Fontang.
Son entraîneur depuis toujours, ce "deuxième père" comme il le décrit alors, vient de lui envoyer, sur le court, un huissier qui l'assigne en justice pour rupture de contrat. Condamné en avril 2012 à lui verser 180.000 euros, Chardy a traîné l'affaire comme un boulet, "la pire période de ma vie", dit-il.
"Quand il m'a appelé au printemps 2011, il était effondré", raconte Patrick Mouratoglou qui a alors pris en main l'enfant de Boeil-Bezing (Pyrénées atlantiques) pendant six mois avant de le confier à un coach de son Académie éponyme, Kerei Abakar.
Relégué bien au-delà de la 100e place mondiale, Chardy entame alors une lente reconstruction, s'étoffant physiquement et ajoutant des "armes" à son arsenal déjà riche d'un service et d'un coup droit fulgurants.
"L'Académie (Mouratoglou) m'a beaucoup aidé. Les gens là-bas me poussaient à l'entraînement chaque jour même si je n'avais pas de résultats. Aujourd'hui je suis récompensé. C'est encore plus beau après tout ce que j'ai traversé", souligne le joueur, vainqueur 5-7, 6-3, 6-2, 6-2 d'Andreas Seppi lundi.
Au centre du renouveau, Kerei Abakar tient une place essentielle. "C'est mon coach, mais c'est mon ami aussi. On a une relation fusionnelle. On bosse dur et dès que c'est fini, on est potes. Je suis heureux de partager ça avec lui."
Entouré, placé dans un cadre bienveillant, Chardy reprend doucement confiance en lui au sein de sa "nouvelle famille" dans laquelle trône l'Américaine Serena Williams, entraînée par Patrick Mouratoglou.
"C'est une grande championne. Je sais qu'elle a regardé tout mon match à la télé aujourd'hui. Elle me félicite à chaque fois. Je suis ses matches aussi. C'est marrant, elle est sympa, je ne la vois plus trop comme la N.1 mondiale", raconte Chardy qui a appris à mieux connaître Serena, N.3 mondial en réalité, lors du traditionnel stage hivernal de l'Académie à l'Ile Maurice.
Capable de gros coups d'éclat, persuadé "de pouvoir battre tout le monde quand je suis en confiance", Chardy attendait cette stabilité pour s'épanouir, ce qui n'a certainement pas échappé au nouveau capitaine de Coupe Davis Arnaud Clément au moment de donner sa première liste mardi.
Promis à entrer dans le Top 25 lundi prochain, Chardy refuse de se fixer des objectifs en termes de classement. "Ce ne sont que des chiffres", dit-il
Mais il s'apprête bien à sortir de l'ombre dans lequel ses résultats, mais aussi son histoire l'ont maintenu jusqu'alors. "Je vis ça très bien, je fais mon truc de mon côté, je joue au tennis pour moi et mes proches. Mais si je continue à jouer comme ça, les gens vont apprendre à me connaître."