Corps à corps ou noués dans des clés de jambes sur le tatami: à Vitry-sur-Seine, en banlieue parisienne, des adversaires essoufflés s'entraînent au combat libre ("Free Fight"), une discipline qui explose en France malgré son interdiction.
Dans la salle du Free Fight Academy, aménagée avec soin, des cris et des grognements sourds retentissent à chaque enchaînements pieds-poings échangés par les athlètes, réputés violents et sans limite.
"On nous prend pour des brutes mais on est comme une famille ici", corrige, entre deux prises, Nicolas Filipponi, un collégien de 14 ans de Paris: "Ce n'est pas seulement de la boxe, de la lutte, du jiu, c'est un style de vie", ajoute-t-il.
Nés au Brésil en 1925 puis fédérés aux Etats-Unis en 1993 par l'Ultimate Fighting Championship (UFC), les Arts martiaux mixtes, communément connus sous l'appellation anglaise "Mixed Martial Arts" (MMA), "Free Fight" ou "combat libre", explosent en France, notamment dans la périphérie parisienne.
"C'est un sport de combat complet associant des techniques de percussion et de préhension, de lutte au corps à corps et de soumission", explique Mathieu Nicourt, instructeur et directeur de l'établissement.
"Valeurs éthiques"
Les images violentes laissées par les premiers combats --visages boursouflés, franche brutalité-- ont toutefois dissuadé les ministres des Sports successifs de reconnaître la discipline.
Une position motivée par le souci de "protéger les pratiquants et promouvoir le modèle français qui est basé sur un sport aux valeurs éthiques et morales", précise-t-on au ministère des Sports.
Pourtant des efforts ont été menés pour encadrer la discipline où, à l'origine, tous les coups étaient permis ("Vale tudo", en portugais, "no rule" en anglais): les combats n'avaient initialement d'autres limites que le KO ou la soumission complète de l'adversaire.
En France, pour contourner l'interdit officiel, les combattants pratiquent le pancrace, vieille discipline héritée de la Grèce antique.
Officiellement, on ne fait pas de MMA mais c'est tout comme: "Dans nos clubs où on les entraîne en pancrace, on les prépare aussi en MMA pour des combats à l'international même si ce n'est pas légalisé", confie Stéphane Chaufournier "Atch", promoteur de combats sous l'égide de la fédération de sports de contact et disciplines associées (FFSCDA) qui revendique 200 clubs de pratiquants.
Différence notable entre les deux disciplines: le pancrace interdit de frapper l'adversaire au sol.
Lobbying
A l'académie de Vitry, une trentaine de combattants s'entraînent chaque soir dans une ambiance ludique mais intense.
Parmi eux, des femmes: "Je me suis un peu trouvée ici par hasard, en été mon club avait fermé, j'ai essayé du free fight, ça m'a plu", témoigne Emilie Barragueta, ex-pratiquante du jiu-jitsu brésilien (variante sans kimono du jiu-jitsu classique).
Aujourd'hui, le phénomène est amplifié auprès des jeunes par les médias, internet et même le cinéma avec le film de Jacques Audiard, "De rouille et d'os", dont le héros est un acharné du Free Fight.
"C'est un sport qui apporte quelque chose de beaucoup plus fun aux jeunes qui veulent toucher à tous les sports de combat", résume à l'AFP Cheick Kongo, champion français de l'UFC, starisé par la Playstation.
Malgré un lobbying offensif pour une reconnaissance officielle, certains y restent hostiles. "Je trouve qu'il n'y a pas assez de contrôle médical là-dedans", déplore Humbert Furgoni, président de la fédération de boxe.
"Les choses sont en train de bouger", veut croire le président de la commission nationale des MMA (CNMMA), Bertrand Amoussou: "De toute façon on sera pas le seul pays au monde à ne pas reconnaître cette discipline".