Après avoir analysé les données de la Sécurité sociale concernant huit professions libérales, l'UFC-Que choisir pointe des dépassements honoraires excessifs et source d'inégalités sur le territoire.
D'un département à l'autre, l'accès à la médecine est inégal, selon l'UFC-Que choisir. Dans une étude rendue publique ce jeudi 22 février, l'association dénonce l'ampleur des dépassements d'honoraires pratiqués par les médecins spécialistes, dont les tarifs s'envolent plus ou moins selon les territoires, créant des inégalités.
Alors que les négociations entre les professionnels de santé et l'Assurance maladie se poursuivent concernant le tarif des consultations, l'UFC-Que choisir a collecté et analysé les données de la Sécurité sociale liées aux pratiques tarifaires de huit professions libérales : les anesthésistes, les cardiologues, les dermatologues, les gastro-entérologues, les gynécologues, les ophtalmologues, les pédiatres et les psychiatres.
Elles montrent que les honoraires peuvent varier «du simple au double» selon les départements, alors même que «les assurés sociaux sont sujets sur tout le territoire aux mêmes cotisations à la Sécurité sociale» et que «la base de remboursement de l'Assurance maladie obligatoire est également définie au niveau national».
Dépassements d’honoraires : des chiffres alarmants et des écarts qui se creusent selon les spécialités et les départements #MaSanteNattendPlus pic.twitter.com/lkkQ5MNJuh
— UFC-Que Choisir (@UFCquechoisir) February 22, 2024
Par exemple, le tarif moyen d'une consultation gynécologique atteint 50,6€ au niveau national et même 80,5€ à Paris, alors que le tarif opposable, c'est-à-dire fixé par la Sécurité sociale, est de 30€. En 2021, 58,8% des anesthésistes, 66,7% des ophtalmologues et 71,4% des gynécologues faisaient des dépassements d'honoraires. Soit une hausse respective de 12,8, 7,9 et 9,3 points sur 5 ans.
D'après l'UFC-Que choisir, les territoires dans lesquels le tarif moyen des médecins spécialisés correspond au tarif opposable sont généralement les départements «ruraux et relativement peu dotés en médecins. En parallèle, les zones où les tarifs explosent sont globalement en Ile-de-France, notamment Paris et les Hauts-de-Seine, ainsi que «les départements littoraux du Sud et d'autres comportant de grandes métropoles».
Dans les deux cas, les patients se retrouvent «piégés» dans un «désert géographique» pour les premiers, confrontés à une pénurie de médecins, et dans un «désert financier» pour les seconds, qui ont accès à davantage de professionnels mais à des prix très élevés.
«L'intolérable laisser-faire des autorités»
Sachant que la part des spécialistes autorisés à facturer des dépassements affiche une croissance rapide et que la vague de départs en retraite des médecins «baby-boomers» ne fait que commencer, l'UFC-Que choisir craint de voir le phénomène s'aggraver à l'avenir.
L'association dénonce «l'intolérable laisser-faire des autorités» et guette avec appréhension le résultat des négociations entre l'Assurance maladie et les praticiens libéraux. Ces derniers réclament une revalorisation des tarifs opposables des consultations ce qui pourrait, selon cette étude, mené à un «effet d'aubaine» permettant à ceux qui pratiquent des dépassements d'honoraire d'augmenter encore leurs tarifs.
Pourtant, «il est indispensable de réduire les écarts entre les tarifs de base et les tarifs pratiqués» afin de réduire les inégalités sociales de santé, insiste l'UFC-Que choisir. Ces écarts sont en effet systématiquement répercutés sur le patient, soit directement, soit à travers une hausse de la cotisation à leur complémentaire santé.
D'après une enquête réalisée par l'association de consommateurs auprès d'un échantillon de 1.004 personnes, les ménages les moins aisés se déclarent trois fois plus en mauvaise santé que les plus aisés (27% contre 10%) et 45% des premiers peinent à trouver des rendez-vous médicaux, contre seulement 4% des seconds. Les renoncements aux soins pour raisons financières touchent par ailleurs 38% des personnes s'estimant en mauvaise santé.
Pour endiguer le phénomène, l'UFC-Que choisir souhaite notamment que d'éventuelles augmentations des tarifs de base de la sécurité sociale soient conditionnées «à une réduction effective des restes à charge pour les usagers». Elle a par ailleurs publié une pétition intitulée «J'accuse l'Etat» et a saisi le Conseil d'Etat «pour faire constater et sanctionner l'inaction gouvernementale sur l'accès aux soins».