A l’occasion de la journée internationale du cancer de l’enfant ce jeudi 15 février, Christophe Grosset, le directeur de la recherche pédiatrique à l’Inserm de Bordeaux (Gironde), dresse pour CNEWS un état des lieux de cette maladie touchant les enfants en France.
Dans le cadre de journée internationale du cancer de l’enfant ce jeudi, Christophe Grosset revient pour CNEWS sur les avancées de la recherche en France autour du cancer pédiatrique.
Spécialiste de la tumeur du foie chez les jeunes enfants, il est responsable de l'équipe «Méthodes et Innovations pour la Recherche sur les Cancers de l'Enfant» (Mircade) à l’Institut d'Oncologie de Bordeaux. Il travaille aussi comme directeur de recherche à l’Inserm de la capitale girondine.
Quels sont les principaux chiffres liés au cancer chez l'enfant en France ?
Il y a 2.550 nouveaux cas par an en France chez les enfants de 0 à 18 ans. Il y a 60 types de cancers et près de 500 décès chaque année.
Est-ce que vous avez remarqué des évolutions notables ces dernières années sur le plan de la recherche liée au cancer chez l'enfant ?
Il y a une très forte mobilisation de la communauté scientifique autour des cancers de l'enfant. En dix ans, j'ai vu vraiment une grosse évolution. Il y a des associations qui ont fait un très gros travail de communication en direction du grand public et des instances gouvernementales. Elles ont obtenu des fonds dédiés à l'oncologie pédiatrique à travers l'Institut national du cancer.
Ces fonds disponibles ont permis de mobiliser un certain nombre de chercheurs et de faire des appels d'offres qui associent une équipe qui travaille sur les cancers de l'enfant avec une équipe qui n'a jamais travaillé sur le cancer ou sur le cancer de l'enfant. Il y a donc un vrai enrichissement de la communauté scientifique en termes de domaines d'étude pour s'intéresser à ce type de maladie.
Quelles sont les différents traitements utilisés pour lutter contre le cancer chez l’enfant ?
Il y a plusieurs stratégies. La première est celle de l'immunothérapie avec les car-T Cells (un traitement par cellules qui s’appuie sur le système immunitaire du patient).
La seconde est le repositionnement de médicaments, c'est-à-dire qu’il y a des centaines de composés de médicaments qui sont utilisés en oncologie dans le monde, mais certains de ces composés n'ont jamais été testés dans certains cancers chez l'enfant, donc c'est ce qu'on appelle le repositionnement. L'avantage, c'est que ces médicaments souvent sont déjà connus et donc ils sont déjà disponibles au sein des hôpitaux. Il est ainsi plus facile d'ouvrir un essai clinique puisque la partie développement relativement longue a déjà été réalisée donc on gagne beaucoup de temps dans le cadre de ces repositionnements.
La troisième est la combinaison de traitement, qui permet d’associer plusieurs thérapies. L'objectif, c'est d'être plus efficace pour éliminer la tumeur tout en prenant en compte aussi la toxicité du traitement. Avec une combinaison de traitement, on peut espérer être plus efficace et avoir moins de toxicité. C’est un traitement qui prend en compte la qualité de vie des patients et des enfants après la maladie.
Quelles sont les opérations faites aujourd'hui en France par votre équipe Mircade pour sensibiliser au cancer chez l'enfant ?
Aujourd'hui (jeudi), on fait une journée laboratoire porte ouverte. Ça veut dire qu'on invite le grand public à venir visiter le laboratoire. On va commencer dès 12h. On sensibilise à travers ces portes ouvertes pour montrer au public ce qu'on fait et permettre aux gens d’interagir non seulement avec les chercheurs, mais avec les plus jeunes, les doctorants et les post-doctorants, ainsi que les ingénieurs qui travaillent avec nous.
Les gens aiment bien savoir quelle est la motivation des plus jeunes à venir travailler dans ce domaine qui est quand même un domaine de niche dans la recherche en oncologie.
Après, on partage des informations lorsqu'on a des publications, lorsqu'on a des financements, on partage ces informations sur les réseaux sociaux, notamment sur LinkedIn pour ma part. Je me rends sur place lorsque les associations mettent en place un événement pour lever des fonds ou pour communiquer sur l'oncologie pédiatrique. Je me déplace un peu partout en France d'ailleurs pour parler de de l'oncologie pédiatrique, de la recherche et de ce qu'on fait dans le laboratoire.
Comment se déroule les levées de fonds au sein de votre équipe ?
Les associations caritatives aident, à notre niveau, à hauteur de 250.000 euros par an environ. Ces dernières années, j’ai eu quelques succès sur les levées de fonds liées à des appels à projet de l’Institut national du cancer donc tant mieux, ça permet de recruter plus de jeunes et d’avoir plus de moyens.
Mais pendant quelques années, les associations caritatives correspondaient à au moins 50 % de notre budget total, à la fois pour du fonctionnement ou des salaires. Cet argent servait notamment à financer des bourses de thèses qui se chiffrent entre 35.000 et 40.000 euros par an pour une durée de trois ans.
La fondation Groupama, avec laquelle on collabore depuis 2015, a permis de financer quatre thèses de doctorat et donc de former quatre jeunes, filles et garçons, à l’étude des cancers de l’enfant. Quelque part, c’est un investissement sur cette jeunesse, en la formant et en la sensibilisant à la recherche en oncologie pédiatrique. On espère que certains d’entre eux vont finir dans le privé ou dans le public et décider de mener de nouveaux projets en oncologie pédiatrique.