Un groupe de 22 experts médicaux de haut niveau venus du monde entier a publié un texte plaidant pour la décriminalisation de l'usage et de la possession de drogue.
Rassemblés par le magazine scientifique The Lancet et la John Hopkins University, ces experts estiment que la guerre contre la drogue a échoué. Il encouragent ainsi les Etats à «s'orienter vers des marchés de la drogue régulés et d'appliquer la méthode scientifique lorsqu'il s'agit de choisir leur politique vis-à-vis des drogues». Après avoir étudié les politiques antidrogues menées depuis une cinquantaine d'années, ces experts estiment que la méthode du tout-répressif appliquée jusqu'à présent a «directement ou indirectement contribué au développement des violences mortelles, des maladies, de la discrimination, des déplacements forcés, de l'injustice, et a remis en question le droit des personnes à la santé».
Des politiques inefficaces, voire contre-productives
Pour appuyer leur propos, ils citent ainsi plusieurs exemples. Au Mexique, le nombre d'homicides a explosé depuis que le gouvernement a lancé une contre-offensive militaire de grande envergure contre les cartels responsables du trafic de drogue. Les scientifiques pointent également l'usage abusif de l'incarcération pour les usagers de drogues, aux Etats-Unis notamment, qui favorise au passage un taux de contamination plus élevé par le virus du Sida et l'hépatite C.
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«L'objectif d'interdire l'usage, la possession, la production et le trafic de drogues illégales se trouve être à la base de la plupart des politiques menées à travers le monde, mais ces politiques se basent sur des présupposés sur l'usage de drogue et la dépendance à la drogue qui ne sont pas scientifiquement démontrés» a expliqué le Dr Chris Beyrer, du département de la santé publique à l'école Bloomberg John Hopkins. Les experts prennent ainsi pour exemple l'objectif d'un «monde sans drogues» en 2008, que s'était fixé l'Onu en 1998. «L'idée que l'usage de drogue était systématiquement dangereux et mauvais a entraîné des politiques très répressives et rendu difficile la possibilité de mettre les drogues dangereuses sur le même plan que la nourriture, le tabac ou l'alcool, qui peuvent être tout aussi nocifs». Ainsi, le texte publié par les experts cite une étude selon laquelle sur 246 millions de personnes dans le monde qui ont consommé une drogue illicite l'année dernière, seules 27 millions (soit 11%) ont fait l'expérience d'une consommation problématique (dépendance ou autres).
Les experts plaident ainsi pour une autre voie, avec des politiques basées sur l'objectif de réduire l'impact négatif des drogues sur les populations, et non sur la criminalisation des usagers. Ils citent notamment les politiques mises en place par le Portugal, qui a décriminalisé l'ensemble des drogues, et a vu leur usage baisser, tout comme le nombre de contaminations par le VIH. Ils prennent également en exemple la légalisation totale du cannabis, mise en place dans plusieurs Etats américains, qui permet de mettre fin aux trafics illégaux et aux crimes qui leur sont liés.
La guerre contre la drogue, un «mensonge»
Ce rapport a été publié alors qu'une session spéciale de l'Onu sur les drogues doit se tenir le mois prochain. Il coïncide également avec les révélations d'un ancien conseiller de l'ex-président américain Richard Nixon, qui au début des années 70 avait lancé le concept de «guerre contre la drogue». John Ehrlichman a affirmé au magazine Harper's que cette guerre contre la drogue était un «mensonge». «L’équipe de campagne de Nixon en 1968, et la Maison blanche par la suite, avaient deux ennemis: la gauche pacifiste et les noirs. Vous voyez ce que je veux dire? Nous savions que nous ne pouvions pas rendre illégal le fait d’être pacifiste ou noir, mais en incitant le grand public à associer les hippies à la marijuana et les Noirs à l’héroïne, puis en criminalisant lourdement les deux produits, nous pouvions casser ces communautés. On pouvait arrêter leurs responsables, fouiller leurs maisons, briser leurs rassemblements et les diaboliser jour après jour dans les JT».