Les turbulences dans le monde médical se poursuivent mardi 23 décembre avec le début d'un mouvement de grève des généralistes pour demander une revalorisation de leurs tarifs et contester le projet de loi santé, au moment même où la ministre de la Santé espère une sortie de crise avec les urgentistes.
L'Association des médecins urgentistes de France, à l'origine d'un appel à la grève illimitée effectif depuis lundi, devait tenir un point presse dans la matinée pour annoncer les suites données à son mouvement.
Lundi 22 décembre, la ministre de la Santé Marisol Touraine s'était empressée d'annoncer une "issue favorable" aux négociations, faisant état de propositions sur l'organisation de leur temps de travail.
Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Amuf, s'était offusqué de "l'erreur" de la ministre, estimant qu'elle n'aurait pas dû communiquer "avant d'avoir transmis les documents aux organisations syndicales" et à la place de ces dernières.
Les nouvelles mesures de la ministre restent floues, même pour les syndicalistes, qui réclament, outre une limitation de leur temps de travail à 48 heures hebdomadaires, une rémunération des heures supplémentaire au-delà de la 39e heure.
"On est en train d'analyser le texte, parce qu'il y a des choses qui vont, il y en a d'autres qui posent problème. La question c'est de savoir si le verre est à moitié vide ou à moitié plein" indiquait-il lundi soir.
Une toute autre affaire pour les médecins libéraux
Si le mouvement de grève des urgentistes, qui peuvent être assignés en cas de besoin et dont la mobilisation consiste à épingler un badge à leur blouse, n'a pas posé trop de problèmes, l'entrée en grève des médecins libéraux s'annonce comme une toute autre affaire.
Déjà fortement sollicités pendant les fêtes, les services d'urgences risquent de l'être d'autant plus que les généralistes sont appelés mardi à fermer leur cabinet et à faire la grève des gardes par leurs principaux syndicats, MG France, la Fédération des médecins de France et le syndicat des médecins libéraux. La puissante confédération des syndicats médicaux français (CSMF, généralistes et spécialistes) appelle elle à démarrer le 24, jusqu'au 31, période où sont attendues des épidémies de grippe et de gastroentérite.
Dans le collimateur des médecins, certains points du projet de loi santé, comme la délégation de la vaccination aux pharmaciens, le pouvoir accru des agences régionales de santé ou la généralisation du tiers payant d'ici à 2017 (dispense d'avance de frais).
"Les généralistes pénalisés"
Les médecins craignent de crouler sous la paperasse administrative, ainsi que les retards de paiement qu'entraînerait selon eux le tiers payant pour tous. Sur ce dernier point, la ministre a exclu tout recul mais promis des "garanties" quant à sa mise en oeuvre et une reprise des discussions à la rentrée.
L'examen du projet de loi santé par le Parlement a été repoussé au mois d'avril, pour permettre la réécriture de certains points du texte, qu'appellent de leurs voeux les syndicats, et même l'Ordre des médecins, d'ordinaire discret.
Mais "la loi santé n'est qu'un chapitre du mécontentement des généralistes", selon Claude Leicher, président de MG France, intransigeant sur la revalorisation de la consultation de base à 25 euros (contre 23 actuellement), l'une des principales revendications de sa profession.
Mobilisation massive, comment trouver un médecin pendant les grèves ?
Selon lui, la mobilisation sera forte avec entre "80 et 100% de médecins en grève". "Toutes les revalorisations que nous avons obtenues, nous sommes allés les chercher dans la rue", rappelle Claude Leicher.
Il reproche notamment au gouvernement de "pénaliser" les généralistes du secteur 1, qui pratiquent les tarifs de la sécurité sociale, alors que les dépassements d'honoraires explosent en secteur 2, où les tarifs sont libres.
Selon un récent rapport de l'Inspection générale des finances, les médecins généralistes gagnent 5.666 euros par mois en moyenne, contre 7.186 euros pour les spécialistes. Commentant l'accord éventuel avec les urgentistes, Claude Leicher a estimé qu'il reflétait "la politique constante du ministère de la Santé depuis 30 ans, qui a toujours été de défendre l'hôpital".
Outre la CSMF, d'autres syndicats de spécialistes ont appelé à garder porte close pour la même période, dont les cardiologues, les radiologues ou encore les pédiatres.
Le ministère assure que les agences régionales de santé réquisitionneront les médecins en fonction des besoins. Les patients "trouveront à se faire soigner" pendant les fêtes, a promis Mme Touraine.