Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
MERCREDI 26 NOVEMBRE
Au Théâtre du Rond-Point, à Paris, j’assiste à une représentation de la pièce de Yasmina Reza, Comment vous racontez la partie. Si vous êtes parisiens ou visiteurs, il ne vous reste malheureusement que deux soirs pour aller voir cette excellente pièce, car les représentations s’arrêtent demain, 6 décembre.
J’y ai pris un plaisir extrême, dans une salle bondée de spectateurs tout aussi intrigués, amusés, captivés, par la brillante confrontation entre une romancière invitée dans une petite ville de province pour parler de son dernier ouvrage (qui vient de recevoir un prix de grande importance), et qui se demande assez vite «mais pourquoi donc suis-je venue là ?», et une journaliste spécialiste de littérature, un animateur local, et, plus tard, le maire de «Vilan-en-Volène».
Ces quatre personnages vont, au fil de «la partie», révéler leurs faiblesses, leur snobisme, leurs ambitions, leurs regrets, leur passé, leur fragilité, leur cruauté ou leur naïveté. Pour qui a déjà lu Reza (dont le dernier roman, Heureux les heureux, est sorti en poche chez Folio), on retrouve sa subtilité, son don de la psychologie, son ironie, certes, mais tout autant, sinon plus, sa tendresse vis-à-vis de ces êtres.
On rit, on suit l’évolution et l’envolée finale en forme d’intermède musical. C’est construit avec une science et un talent déjà évident dans Le Dieu du carnage (avec Isabelle Huppert) et, plus tôt encore dans sa carrière, avec Art.
Yasmina Reza est la dramaturge française la plus jouée dans le monde (productions et adaptations dans trente-cinq pays) et elle a l’intelligence de se protéger du rouleau compresseur médiatique. Ses interviews sont rares.
Elle a choisi le titre dans un texte inconnu du journaliste américain Michael Herr qui, à propos de l’univers artificiel de Las Vegas, disait à peu près ceci : «Ce qui est important, ce n’est pas de gagner ou perdre, c’est comment vous racontez la partie.» Elle a mis en scène quatre comédiens irrésistibles.
Zabou Breitman, dans le rôle principal, ainsi que Dominique Reymond, Romain Cottard et André Marcon, sont justes, vrais, surprenants. Reza sait faire parler leurs corps. Chaque geste, chaque posture, chaque déplacement, le moindre mouvement des mains ou la façon qu’a Zabou Breitman de tirer sur sa jupe, sont travaillés, choisis, ciselés. Le théâtre, «l’art vivant», comme on dit, quand il vous est ainsi offert, c’est incomparable.
JEUDI 27 NOVEMBRE
En Amérique, c’est le jour de «Thanksgiving», cette fête, presque plus importante pour les Américains que Noël ou le nouvel an, quand, réunis autour d’une dinde farcie, accompagnée de patates douces, sauce aux canneberges, confiture aux airelles, tarte aux pommes et gâteau à la citrouille, ils «remercient» Dieu pour ce qui a constitué un ou plusieurs bonheurs dans l’année.
Mes amis, que j’appelle pour souhaiter «Happy Thanksgiving», sont conscients de certains oublis de l’Histoire (celle des Amérindiens), mais ce jour du «merci donnant» demeure leur grand moment familial, l’occasion de célébrer des «valeurs» dont ils n’ont jamais autant eu besoin.
VENDREDI 5 DÉCEMBRE
J’avais, ici, fait preuve d’un peu de sévérité vis-à-vis des tennismen français, défaits en finale de la Coupe Davis. Yannick Noah aura, l’autre jour, été bien plus vindicatif. Trop, sans doute. Le capitaine, Arnaud Clément, a su exprimer son indignation.
«Il est incompréhensible de porter un jugement sur une préparation à laquelle on n’a pas assisté. S’il peut juger de tout devant sa télé, chapeau.» Clément, quoique capitaine battu, sait, tout de même, renvoyer la balle…