De 1940 à 1945, 517.000 tonnes de bombes ont été déversées sur la France par les Alliés. 57.000 civils français ont trouvé la mort à cette occasion. L'historien Andrew Knapp retrace cet aspect méconnu de la Seconde guerre mondiale dans Les Français sous les bombes alliées (Tallandier).
Pourquoi s'être consacré à cet aspect méconnu de la Seconde guerre mondiale ?
Comme l’indique le titre de mon ouvrage, il concerne le bombardement de la France par les Alliés entre 1940 et 1945, du point de vue à la fois des stratèges britanniques et américains, des responsables de Vichy, et des populations françaises.
Plus de 57 000 Français en sont morts, dont plus de 38 000 au cours de la seule année 1944 : en Normandie, bien entendu, mais aussi à Marseille, à Toulon, à Avignon, à Saint-Étienne... Des villes comme Nantes ou Lorient ou Saint-Nazaire en 1943, Rouen ou Caen ou Le Havre en 1944 se voient dévastées et condamnées à de longues années de reconstruction.
Cet aspect fondamental de l’histoire des années noires, que les survivants et les familles des victimes ne connaissent que trop bien, et qui a fait l’objet de nombreuses études locales, est encore relativement marginalisé de la « grande histoire » de l’Occupation et de la Libération.
Reportage sur les bombardements diffusé en France occupée avec l'autorisation de la censure allemande (document INA)
Quelles sont les questions principales que pose ce livre ?
Pourquoi et comment les armées aériennes alliées ont-elles attaqué la France ? Quelles mesures ont été prises par le gouvernement de Vichy pour protéger les populations ? Comment les Alliés ont-ils justifié les attaques auprès des Français, et comment la propagande vichyssoise a-t-elle essayé d’en tirer bénéfice ?
Comment les populations civiles ont-elles vécu les bombardements, et comment se sont-elles mobilisées pour se défendre ? Comment la Résistance a-t-elle réagi à des attaques qui ne pouvaient que nuire à son audience auprès des Français, ainsi qu’à celle des « Anglo-saxons » ? Pourrait-on qualifier certains de ces bombardements de crimes de guerre, au moins selon les critères d’aujourd’hui ?
En quoi votre travail renouvelle t-il l'historiographie de cet aspect de la Seconde guerre mondiale ?
La Deuxième guerre mondiale, ou pour la France, les années noires, est un aspect de notre histoire encore récente, de mémoire vivante, qui continue de passionner, et dont tous les secrets n’ont pas encore été révélés.
Mon ouvrage porte sur un aspect du conflit qui, pour avoir fait l’objet de nombreuses études locales et régionales, est encore trop peu évoqué dans la grande histoire au niveau national.
À vrai dire, il n’existe qu’une autre étude d’une certaine importance sur ce sujet : il s’agit de celle d’Eddy Florentin, Quand les alliés bombardaient la France (Paris : Perrin, 1997).
En quoi votre livre se différencie-t-il de l'approche de Florentin ?
Florentin, le seul « concurrent », enchaîne les récits des bombardements. Sans omettre les témoignages, mon livre privilégie l’analyse.
Il évoque aussi des aspects de la question dont Florentin ne parle pas : les réunions au sommet des stratèges alliés, l’état de préparation de la France en 1940, les mesures de défense passive prises par Vichy, la guerre de propagande, la mobilisation et l’entraide des Français, les réactions des Français telles qu’elles sont révélées par leur correspondance (interceptée par Vichy), ou alors la question de savoir si, de nos jours, on qualifierait ces bombardements de crimes de guerre.
S'il fallait résumer votre ouvrage en une seule phrase ?
Les Français sous les bombes alliées, c’est l’histoire à l’envers, où les Alliés libérateurs font pleuvoir le feu et l’acier sur la France, où le régime honteux de Vichy essaie tant bien que mal de protéger la population, tout en faisant des attaques un thème-clé de sa propagande, et où les Français, pris entre le marteau et l’enclume, tentent de survivre tout en s’aidant les uns les autres dans l’infortune.
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