La presse de jeudi juge sévèrement le ralliement de Manuel Valls à Emmanuel Macron, au mépris de son engagement de soutenir le vainqueur de la primaire socialiste, Benoît Hamon.
«Monsieur Déloyal» en Une. «Valls le pivot devenu girouette» en titre d'éditorial. De deux formules ciselées, Libération stigmatise l'attitude de l'ex-Premier ministre. Dans son éditorial, Laurent Joffrin est cinglant : «Il était l’apôtre d’une gauche qui pense le réel. Il devient l’homme d’une gauche qui prend le vent. Il voudrait être le pivot d’un grand rassemblement progressiste. Le voilà changé en girouette. Il y a décidément une victime dans cette campagne : le respect de la parole donnée».
«C’est entendu : Manuel Valls - comme François de Rugy avant lui - est parjure», écrit Guillaume Tabard dans le Figaro même si, selon le chroniqueur, «ce n'est pas la "trahison" de Manuel Valls qui plombe la campagne de Benoît Hamon ; c'est l'effondrement de la candidature socialiste qui provoque un sauve-qui-peut à gauche dont Emmanuel Macron tire profit».
Risque d'implosion du PS
Par son choix, Manuel Valls prend le risque de «faire imploser le PS», titre Le Monde.
«La fin d'un parti ?», s'interroge d'ailleurs en Une La Croix. Les autres commentateurs répondent sans hésiter.
«Le Parti socialiste, celui d'Epinay, capable de rassembler autour d'un programme commun, est mort hier, sans panache, rongé par les rivalités idéologiques et personnelles» et Manuel «Valls a planté le dernier clou sur son cercueil», analyse Jean-Marie Montali dans Le Parisien.
Cécile Cornudet, du quotidien économique Les Echos, estime que «Manuel Valls a sans doute précipité ce qu’il avait lui-même théorisé. Les deux gauches du PS ne se réconcilieront plus. Epinay a vécu».
C'est «le PS, tel que l'avait construit François Mitterrand, (qui) a vécu», précise Patrice Chabanet dans Le Journal de la Haute-Marne.
Il reste que, «en reniant ainsi son engagement de la primaire, (Manuel Valls) affaiblit un peu plus la parole politique, déjà abîmée dans cette campagne», commente Bruno Dive de Sud-Ouest.
Pour Gilles Grandpierre de L'Union, «cette promesse était donc un chiffon de papier. Il s’est dédit. Politiquement, l’effet n’est pas glorieux».
Voilà maintenant Manuel Valls «catalogué comme le Ganelon ou le Iago de cette période électorale», écrit Bruno Mège dans Le Montagne, comparant l'ancien chef de gouvernement aux traitres de La Chanson de Roland et d'Othello.
Bien peu finalement trouvent des circonstances atténuantes au théoricien des deux gauches «irréconciliables» du PS. Pour Michel Urvoy de Ouest-France, «on pourrait tout autant reprocher à Benoît Hamon son flirt douteux avec la gauche radicale».
«Si, aujourd’hui, Manuel Valls a rompu son engagement de soutenir Benoît Hamon, c’est peut-être qu’en bon "éléphant" du PS il a la mémoire longue, et se souvient du "frondeur" qui a pourri pendant deux ans l’action du gouvernement socialiste», estime Jean-Claude Souléry dans La Dépêche du midi.
Manuel Valls est à la fois «parjure et cohérent avec sa ligne, marqueur de son engagement», résume Xavier Brouet du Républicain lorrain. Il «a, en quelque sorte, moralement tort et politiquement raison».