Une élection en cache une autre. Alors que les débats se focalisent sur la présidentielle, dont le premier tour a lieu dans moins de quatre semaines, un autre scrutin, pourtant crucial, se prépare.
Conditionnées à l’issue du deuxième tour, les législatives des 11 et 18 juin cristallisent les craintes. Car, fait inédit, le président élu pourrait bien ne pas pouvoir s’appuyer sur une majorité parlementaire. Et se verrait ainsi dans l’incapacité de mettre en oeuvre le programme sur lequel il a été élu.
Un enjeu central pour gouverner
Déjà flou, le climat politique risque bien de l’être davantage à l’approche des législatives. Une incertitude liée au mode de scrutin, majoritaire à deux tours, et donc favorable aux grandes formations politiques. D’ailleurs, les citoyens ont jusque-là toujours accordé au nouveau président une majorité.
Or, cette année, les sondages placent en tête de la présidentielle deux candidats issus de partis «non traditionnels», à savoir Marine Le Pen, créditée de 26 % des intentions de vote (Opinionway), et Emmanuel Macron (24 %). Conscient de la difficulté à obtenir à obtenir la majorité absolue à l’Assemblée, soit 289 sièges, le fondateur d’En Marche !, rallié par le MoDem, a ainsi prévu d’investir pour moitié des élus «de gauche, du centre et de droite». L’autre moitié serait, elle, constituée «de nouveaux candidats».
De son côté, Marine Le Pen se prépare depuis plusieurs années, notamment par un travail d’ancrage local. Si bien qu’aujourd’hui, le FN a investi 540 candidats. Mais, faute de proportionnelle dans le scrutin, ils pourraient être mis en difficulté. Ainsi, en 2012, lors du précédent vote, sur 61 candidats présents au second tour, seuls deux ont été élus députés.
Face au doute, les partis «traditionnels» tentent donc de reprendre la main. François Fillon, suivi par une alliance LR-UDI, l’assure : «si je suis élu, j’aurai une majorité parlementaire». Même argumentaire du côté du socialiste Benoît Hamon, qui a conclu un accord avec EELV.
Une majorité à construire
L’arrivée au pouvoir d’un Emmanuel Macron ou d’une Marine Le Pen entraînerait, de facto, un risque de cohabitation. Avec, par conséquent, un président contraint de devoir nommer une personnalité issue de l’opposition à la tête du gouvernement, comme Premier ministre. Et une difficulté pour mettre en oeuvre les réformes promises.
«On n’a jamais été aussi près d’un changement de régime», analyse ainsi Philippe Moreau-Chevrolet. Selon le spécialiste, «le climat de très forte défiance» pourrait conduire à l’avènement «d’un régime parlementaire» et non plus semi-présidentiel, comme c’est le cas depuis 1958.
De même, l’arrivée au pouvoir du FN ou du fondateur d’En Marche ! pousserait certains élus LR ou PS à se rallier au vainqueur. De quoi remettre en cause le fonctionnement même des partis «traditionnels» au pouvoir depuis près de soixante ans.